Tuesday, November 21, 2006

Le dangereux pari de Damas

Le Devoir
IDÉES, mardi, 28 novembre 2006, p. a6

Libre-opinion: Le dangereux pari de Damas

Alain-Michel Ayache

L'assassinat du ministre chrétien Pierre Amine Gemayel, la semaine dernière à Beyrouth, ne fait que confirmer la fragilité de la situation interne aussi bien du Liban que de l'ensemble de la région.

En effet, les bénéficiaires de son meurtre se limitent principalement à deux acteurs régionaux: la Syrie et l'Iran. Et pour cause, le Conseil de sécurité de l'ONU vient de s'entendre à l'unanimité sur la forme officielle du tribunal spécial qui sera mis sur pied afin d'examiner l'affaire de l'assassinat de l'ex-premier ministre libanais Rafic Hariri. Or, que ce soit l'enquêteur onusien Detliv Mehlis ou son successeur Serge Brammertz, les deux semblent envoyer des messages par l'entremise des médias montrant la responsabilité d'un haut placé ou gradé dans le régime syrien dans cette affaire. Certes, bien que le travail premier de ce nouveau tribunal soit celui de traduire en justice les quatre officiers libanais emprisonnés actuellement au Liban, il n'en demeure pas moins que le tribunal peut arriver à montrer officiellement du doigt le président syrien ou un autre responsable de son gouvernement ou des services secrets et demander qu'il soit jugé. Si cela est accepté, cela voudrait dire que le régime syrien sera sujet à des pressions montantes internes, aussi bien d'une opposition islamique écrasée par le sang jusqu'à aujourd'hui que par les plus modérés emprisonnés pour avoir demandé l'application modérée des règles élémentaires de la démocratie comme nous la connaissons ici en Occident, et donc, à terme, le régime finirait par changer d'une façon ou d'une autre.

Des manoeuvres meurtrières

Ainsi, l'ultimatum devient alors pour Damas de ne pas permettre à ce tribunal d'être créé. Pour cela, il suffit que neuf ministres du gouvernement actuel libanais démissionnent ou se désistent pour que le gouvernement perde sa constitutionnalité et chute. Or, quelques jours seulement avant l'assassinat, cinq ministres chiites ont démissionné, dont deux de la mouvance du Hezbollah et trois proches de l'actuel président de la Chambre et patron de l'autre milice chiite «Amal», Nabih Berri. Un sixième ministre, celui-là chrétien orthodoxe proche du président de la République considéré comme l'homme de Damas, se désiste de ses responsabilités gouvernementales. Il fallait donc, selon les tenants de cette thèse, éliminer trois autres ministres soit physiquement soit par persuasion forcée! Ce qui fut fait avec l'assassinat du ministre Pierre Gemayel qui était également député. Or, une autre opération était également passée inaperçue et qui visait un autre ministre chrétien également, Michel Pharaon, qui était absent de son bureau lorsqu'une voiture est passée à proximité et que ses occupants ont tiré sur son local sans pour autant faire de victimes, comme s'il s'agissait d'une intimidation qui le pousserait à se désister...

L'importance de ce combat réside également dans le fait que même si le gouvernement réussit à résister et à maintenir sa légitimité et sa légalité, il ne peut qu'approuver la mise en place de ce tribunal, mais c'est au parlement de ratifier cette décision. Or, la question principale qui se pose aujourd'hui, est celle de savoir si le Hezbollah va permettre par la voix de son «ennemi-concurrent» d'hier, aujourd'hui son délégué pour toute négociation avec le gouvernement libanais, Nabih Berri, président du législatif, de convier les députés à une telle séance. C'est là justement que les intérêts syriens s'entrecroisent avec ceux de l'Iran. En effet, pour ce dernier pays, l'objectif premier est de maintenir et de reconstituer la force du Hezbollah largement affectée par sa guerre contre l'État hébreu, mais également de consolider sa position sur l'échiquier libanais devant la détermination américaine de mettre un terme au programme nucléaire de l'Iran.

Le pari

Ainsi, entre d'un côté l'interprétation syrienne des paroles du nouveau secrétaire de la Défense américain, M. Gates, sur la nécessité d'inclure la Syrie et l'Iran dans les pourparlers en Irak pour garantir la paix et, de l'autre, les démarches syriennes et iraniennes pour se rapprocher de l'Irak et pour s'imposer sur la scène irakienne fragile, le régime de Damas semble avoir pris le pari dangereux d'essayer de sauter sur cette «ouverture» en menant une nouvelle campagne de terreur et de déstabilisation du Pays du Cèdre pour s'imposer aux yeux de l'Occident comme seul garant de cette stabilité «perdue depuis le départ forcé et humiliant de ses troupes du Liban en 2005». S'il réussit, cela équivaudrait à un retour en arrière et à l'instauration d'une donne dangereuse pour l'ensemble de la région. S'il perd, cela sera le début de la fin de l'ère de Assad fils... sans pour autant que ce soit la fin du régime alaouite, qui, malgré tout, semble encore représenter une plus grande stabilité pour la realpolitik américaine qu'un régime syrien islamiste.

Alain-Michel Ayache

Spécialiste du Proche et Moyen-Orient, département de science politique, Université du Québec à Montréal

Thursday, September 21, 2006

Guy Fournier2

Head of CBC network considers defecation as pleasurable as sex

From Wikinews, the free news source you can write!

Jump to: navigation, search

Thursday, September 21, 2006


Canadian Broadcasting Corporation (CBC) chairman Guy Fournier loves going to the washroom, Radio-Canada reports, and his image in Quebec is suffering because of it.

While trying to defend himself on Radio-Canada program Tout le monde en parle for false, disparaging comments about the Lebanese, Fournier faced even greater pressure. In May 2006, Fournier gave an interview to a French-language Toronto radio station, spending more than ten minutes recounting his love of what many refer to as "pooing".

According to his account, Fournier was on a train ride in the 1960s with his friend Michel. Michel commented that he considered this particular usage of a washroom as being as great a pleasure as sexual intercourse.

The interview did not receive much attention at the time, due to a limited audience.

In the interview, Fournier comments "as you grow older, you continue to go poop once a day if you are in good health, while it is not easy to make love every day. So finally, the pleasure is longer-lasting and more frequent than the other." He spoke out about distracting oneself on the toilet, and called doing a Sudoku or a crossword a "heresy". He continued that "it is just as heretical as if you read the National Post while making love. It is not to be recommended."

Fournier was on Tout le monde to apologise for unsubstantiated claims that bestiality is permitted in Lebanon, so long as the animal is of the opposite sex. In the 9 September issue of 7 Jours, Fournier wrote "In Lebanon, the law allows men to have sexual relations with animals as long as they are female! Doing the same thing with male beasts can result in the death penalty."

His claims were made solely on information found on the Internet.

While an apology was made on the French-language program Tout le monde, which averages over two million listeners, Alain-Michel Ayache at the Université du Québec à Montréal is unsure whether he'll drop his lawsuit. Ayache, a political science instructor of Lebanese descent, has begun the steps required to file a lawsuit.

Ayache commented to the National Post that he is astonished Fournier wishes to remain the chairman of the CBC, after using such low journalistic standards.

Wednesday, September 20, 2006

Guy Fournier

Former CBC chairman should apologize: Lebanese community

Last Updated: Wednesday, September 20, 2006 | 3:50 PM ET

The man who filed a complaint against the former CBC chairman over comments he made about the sexual habits of the Lebanese is demanding Guy Fournier apologize in public for his remarks.

Fournier resigned as chairman of the CBC/Radio-Canada on Tuesday, after stirring public outrage with a column he penned in a Quebec gossip magazine, where he made fun of Lebanese sexuality and falsely stated that the Mideast country allows men to have sex with animals, as long as they're female.

The Lebanese community in Quebec was further offended when Fournier told the Montreal newspaper La Presse that he didn't understand what the fuss was about.

On Tuesday, he tendered his resignation to Canadian Heritage Minister Bev Oda, who said Fournier had lost the confidence of the Conservative government.

The gesture is not enough, said Alain-Michel Ayache, who is of Lebanese descent and a political science professor at l'Université du Québec à Montréal (UQAM).

"It's disturbing for Quebec's image, and the CBC's image, that somebody at a high responsibility at the CBC, which is a professional corporation in journalism, to act in this regard," Ayache said.

The professor has hired a lawyer to file a formal complaint against TVA Publications, the company that publishes the gossip magazine 7 Jours, where Fournier's comments appeared. Ayache also wants Fournier to apologize.

"What we need is a public apology for the Lebanese community, which has not been done yet so far," Ayache said.

"It's a matter of principle, because as all communities, I doubt that any one would accept to be treated as animals."

Fournier, 75, has not commented on his resignation.

Fournier, an author, producer and journalist, was appointed by the previous Liberal government to the board of directors of CBC/Radio-Canada in February 2005 for a four-year term.

He became chairman the following September.

Until Prime Minister Stephen Harper appoints a replacement for Fournier, CBC president Robert Rabinovitch will be acting chairman.

Tuesday, September 19, 2006

Fournier 1

CBC chairman facing ridicule in Quebec

Comments about bestiality and bowel movements cause uproar

Graeme Hamilton, National Post Published: Tuesday, September 19, 2006

MONTREAL - CBC chairman Guy Fournier has become the target of anger and derision in his home province after falsely claiming that Lebanon permits bestiality and for granting a lengthy interview on the joys of bowel movements.

On Sunday night, Mr. Fournier, appeared on one of Quebec's most-watched television shows, Tout le monde en parle, ostensibly to apologize for a magazine column he wrote making the unfounded bestiality claims.

In his Sept. 9 weekly column for the magazine 7 Jours, Mr. Fournier included the following nugget: "In Lebanon, the law allows men to have sexual relations with animals as long as they are female! Doing the same thing with male beasts can result in the death penalty."

The problem was that the information, gleaned from the Internet, was false. Montreal's Lebanese community was incensed, and a local university instructor of Lebanese descent began steps to file a lawsuit.

Addressing the audience of Radio-Canada's Tout le monde en parle, which regularly numbers more than two million, Mr. Fournier admitted he had not verified the information before publication.

"It was done to make people smile but it has shocked many people in the Lebanese diaspora, so I apologize to them," he said. He added that from now on he will stop all outside activities, including the 7 Jours column, and focus on his role with the public broadcaster.

The show's host, Guy A. Lepage, then moved the discussion along, digging up a little-noticed interview Mr. Fournier gave last May to a small French-language radio station in Toronto, during which the CBC/Radio-Canada chairman rhapsodized about defecation for more than 10 minutes.

Mr. Fournier recounted a train trip in the early 1960s during which a friend named Michel said going number two was as pleasurable as having sex.

"From that moment, I started paying closer attention -- and I have to tell you, I quickly realized that Michel was entirely right," Mr. Fournier said.

"And the most extraordinary thing is that, in the end, as you grow older, you continue to go poop once a day if you are in good health, while it is not easy to make love every day. So finally, the pleasure is longer-lasting and more frequent than the other."

He also advised against distractions while on the toilet. "There are even people who push the heresy to the point of doing Sudoku or crosswords rather than concentrating on the pleasure that they would have doing the thing," Mr. Fournier told his radio interviewer. "It is just as heretical as if you read the National Post while making love. It is not to be recommended."

Writing in Le Soleil yesterday, TV critic Richard Therrien said Mr. Fournier's attempt at damage control backfired. "No, Fournier did not come off as more sympathetic but more foolish. How long is he going to survive on the board of directors?" Mr. Therrien asked.

Alain-Michel Ayache, a political science instructor at the Universite du Quebec a Montreal, said he had not decided whether Mr. Fournier's televised apology was sufficient for him to abandon his planned lawsuit.

"A journalist is logically double-checking any information prior to any publication whatsoever," he said. "I was astonished to know that, despite this fact, he still wants to hold his position as chairman of CBC ... If any other journalist had made a similar mistake, he would have been definitely put aside."

Pascale Montminy, a spokeswoman for the CBC, said Mr. Fournier was not available for comment yesterday.

Veronique Bruneau, press secretary to federal Heritage Minister Beverley Oda, said the Minister was satisfied that Mr. Fournier had retracted his comments about Lebanon and had apologized. "As a journalist, he should have verified his sources and been accurate," she said.

Mr. Fournier, 75, was appointed to a five-year term as chairman by the Liberal government last September.

He is a well-known author, playwright and producer in Quebec.

ghamilton@nationalpost.com

Wednesday, September 13, 2006

Propos controversés de Guy Fournier

La Presse
Nouvelles générales, mercredi, 13 septembre 2006, p. A1

Radio-Canada
Propos controversés du président du CA
Guy Fournier dans l'embarras

Touzin, Caroline; Dumas, Hugo

Le président du conseil d'administration de Radio-Canada, Guy Fournier, a enragé la communauté libanaise du Québec en écrivant une fausseté sur la sexualité au Liban dans le magazine populaire 7 jours publié la semaine dernière. Ses propos ont aussi causé un malaise à la société d'État.

" Au Liban, la loi permet aux hommes d'avoir des relations sexuelles avec des animaux à la condition qu'il s'agisse de femelles! Faire la même chose avec des bêtes mâles peut entraîner la peine de mort! " a-t-il écrit dans le magazine le plus vendu au Québec.

Chaque semaine, M. Fournier remplit deux pages de faits cocasses, statistiques et blagues sous forme de capsules. Ce fait erroné se trouvait dans sa capsule hebdomadaire Bizarre? Mets-en!.

Des membres de la communauté libanaise, tant chrétiens, musulmans que juifs, sont insultés. "Aucune loi au Liban ne permet une telle chose. Une loi interdit une relation sexuelle avec un être de même sexe, mais il n'est pas question d'animal", explique l'avocat Joseph Daoura de la société d'avocats montréalaise Ferland, Marois, Lanctôt.

Me Daoura compte envoyer une mise en demeure ce matin à TVA publications, propriétaire du 7 jours et filiale de Quebecor media, lui demandant de se rétracter. La mise en demeure est au nom d'Alain-Michel Ayache, chargé de cours en science politique et spécialiste du Moyen-Orient à l'UQAM. "C'est inacceptable de publier une fausseté pareille au Québec. C'est choquant pour tous les Libanais", a dit M. Ayache, lui-même d'origine libanaise.

Guy Fournier n'a pas écrit la source de son information dans le 7 jours. Interrogé par La Presse, il s'est amusé de la controverse. "Il ne faut pas partir en guerre pour rien. Je ne comprends pas que ça puisse insulter des gens. Dans n'importe quel contexte, c'est plutôt drôle", a-t-il dit. Sa source est un courriel envoyé par un ami de Los Angeles qui s'intéresse aux "bizarreries du monde". M. Fournier, aussi ancien directeur des programmes de TQS, n'a pas contre-vérifié l'information.

"Ce n'est peut-être pas dans la loi actuelle du Liban. C'est peut-être une vieille loi qui date du Moyen Âge. Si c'est faux, je ferai un rectificatif", a-t-il ajouté. La directrice de la rédaction du 7 jours, Hélène Fleury, dit n'avoir reçu aucune plainte, hier. Elle n'a pas non plus vérifié l'information. "J'ai déjà lu que ce genre de pratique se faisait dans certains pays musulmans d'Afrique. Ça ne m'a pas frappé que Guy parlait du Liban", a-t-elle affirmé.

Ce genre de fausseté ne fait qu'attiser la colère et la mauvaise conception d'une religion dans une société, croit Patrice Brodeur, titulaire de la chaire Islam, pluralisme et globalisation de l'Université de Montréal. "Sur Internet, il y a des tas de rumeurs pour discréditer l'islam", explique-t-il.

Un musulman libanais arrivé au Québec il y a trois mois abonde dans le même sens. "La loi islamique indique que les hommes musulmans peuvent avoir des relations sexuelles uniquement avec les femmes qui leur sont de droit. Ça m'a fait mal au coeur de lire qu'on avait des relations sexuelles avec des animaux", a dit Omar Abou-Zaher.

Un autre Québécois d'origine libanaise, de religion juive celui-là, souhaite que le consul du Liban à Montréal porte plainte au nom de sa communauté. "Nous sommes un peuple civilisé et instruit, c'est insultant de tenir de tels propos", a dit Moïse Moghrabi.

Malaise à la SRC

Les maladresses de Guy Fournier irritent de plus en plus les employés de la SRC qui travaillent à Montréal, selon nos informations. "On commence à être un peu gênés d'avoir un gars comme ça comme président. Il perd beaucoup de crédibilité dans l'industrie. Et on commence à se poser de sérieuses questions sur son leadership", confie une source à la direction qui souhaite garder l'anonymat.

Le 9 mai, sur les ondes de CBC à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, Guy Fournier a déclaré que Radio-Canada a nui à la cause de l'unité nationale en manquant parfois d'objectivité dans l'information qu'elle a diffusée. Plusieurs journalistes ont été heurtés par ces propos, dont la correspondante Sophie Langlois. "On n'en revenait pas que le président du conseil d'administration puisse avoir cette incompréhension de notre travail", avait-elle répliqué.

Peu de temps après, Guy Fournier a accordé une longue entrevue à une radio communautaire de Toronto sur le plaisir qu'il éprouve à déféquer. Pendant 12 minutes, l'auteur de Jamais deux sans toi a causé d'excréments.

Hier, la dernière chronique de Guy Fournier dans le magazine 7 Jours a provoqué un malaise à la SRC. "Nous n'avons pas de commentaires à faire. Il a dit ça en son nom propre et non au nom de Radio-Canada", soutient Pascale Montminy, directrice des relations publiques institutionnelles de la SRC, à Ottawa.

© 2006 La Presse. Tous droits réservés.

Numéro de document : news·20060913·LA·0004




Complément à ce document

À lire aussi
La ministre Oda presse Guy Fournier de retirer ses propos / Guy Fournier se tiendra tranquille / Une carrière vouée à la télévision / Guy Fournier a choqué la communauté libanaise / La ministre Bev Oda presse Guy Fournier de retirer ses propos sur le Liban

Guy Fournier a choqué la communauté libanaise

Le Soleil
Actualités, mercredi, 13 septembre 2006, p. 16

Guy Fournier a choqué la communauté libanaise

Touzin, Caroline; Dumas, Hugo
La Presse

Le président du conseil d'administration de Radio-Canada, Guy Fournier, a enragé la communauté libanaise du Québec en écrivant une fausseté sur la sexualité au Liban dans le magazine populaire 7 jours publié la semaine dernière. Ses propos ont aussi causé un malaise à la société d'État.

"Au Liban, la loi permet aux hommes d'avoir des relations sexuelles avec des animaux à la condition qu'il s'agisse de femelles ! Faire la même chose avec des bêtes mâles peut entraîner la peine de mort !" a-t-il écrit dans le magazine le plus vendu au Québec. Chaque semaine, il remplit deux pages de faits cocasses, statistiques et blagues sous forme de capsules. Ce fait erroné se trouvait dans sa capsule hebdomadaire Bizarre ? Mets-en !.

Des membres de la communauté libanaise, tant chrétiens, musulmans que juifs, sont insultés. "Aucune loi au Liban ne permet une telle chose. Une loi interdit une relation sexuelle avec un être de même sexe, mais il n'est pas question d'animal", explique l'avocat Joseph Daoura.

Me Daoura compte envoyer une mise en demeure ce matin à TVA publications, propriétaire du 7 jours et filiale de Quebecor media, lui demandant de se rétracter. La mise en demeure est au nom d'Alain-Michel Ayache, un chargé de cours en science politique et spécialiste du Moyen-Orient à l'UQAM. "C'est inacceptable de publier une fausseté pareille au Québec. C'est choquant pour tous les Libanais", a dit M. Ayache, lui-même d'origine libanaise.

Guy Fournier n'a pas indiqué la source de son information dans le 7 jours. Interrogé par La Presse, il s'est amusé de la controverse. "Il ne faut pas partir en guerre pour rien. Je ne comprends pas que ça puisse insulter des gens. Dans n'importe quel contexte, c'est plutôt drôle", a-t-il dit. Sa source est un courriel envoyé par un ami de Los Angeles qui s'intéresse aux "bizarreries du monde". M. Fournier n'a pas contre-vérifié l'information.

"Ce n'est peut-être pas dans la loi actuelle du Liban. C'est peut-être une vieille loi qui date du Moyen Âge. Si c'est faux, je ferai un rectificatif", a-t-il ajouté. La directrice de la rédaction du 7 jours, Hélène Fleury, dit n'avoir reçu aucune plainte, hier. Elle n'a pas non plus vérifié l'information.

Ce genre de fausseté ne fait qu'attiser la colère et la mauvaise conception d'une religion dans une société, croit Patrice Brodeur, titulaire de la chaire islam, pluralisme et globalisation de l'Université de Montréal. "Sur Internet, il y a des tas de rumeurs pour discréditer l'islam", explique-t-il.

Malaise à la SRC

Les maladresses de Guy Fournier irritent de plus en plus les employés de la SRC qui travaillent à Montréal, selon nos informations. "On commence à être un peu gênés d'avoir un gars comme ça comme président. Il perd beaucoup de crédibilité dans l'industrie. Et on commence à se poser de sérieuses questions sur son leadership", confie une source à la direction qui souhaite garder l'anonymat.

Le 9 mai, sur les ondes de CBC à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, Guy Fournier a déclaré que Radio-Canada a nui à la cause de l'unité nationale en manquant parfois d'objectivité dans l'information qu'elle a diffusée. Plusieurs journalistes ont été heurtés par ces propos, dont la correspondante Sophie Langlois. "On n'en revenait pas que le président du conseil d'administration puisse avoir cette incompréhension de notre travail", avait-elle répliqué.

Peu de temps après, Guy Fournier a accordé une longue entrevue à une radio communautaire de Toronto sur le plaisir qu'il éprouve à déféquer. Pendant 12 minutes, l'auteur de Jamais deux sans toi y a causé d'excréments.

Hier, la dernière chronique de Guy Fournier dans 7 Jours a provoqué un malaise à la SRC. "Nous n'avons pas de commentaires à faire. Il a dit ça en son nom propre et non au nom de Radio-Canada", soutient Pascale Montminy, directrice des relations publiques.

Friday, August 25, 2006

Les tambours de guerre sont loin d'être rangés

Le Soleil
Opinions, vendredi, 25 août 2006, p. 19

Analyse

Les tambours de guerre sont loin d'être rangés

Ayache, Alain-Michel

Alors que les canons et les missiles se sont tus de part et d'autre, les "escarmouches" se multiplient sur un fond d'escalade politique, aussi bien au Liban qu'en Israël, une dizaine de jours après la fin du "premier round".

Les deux belligérants clament victoire, que ce soit Tel-Aviv ou "Haret Hreik", lieu du quartier général du Hezbollah ou, pour schématiser un peu, capitale de la décision politique "libanaise" actuelle. En réalité, chacun des belligérants cherche à colmater les brèches que cette guerre a ouvertes dans l'appui de la population, et ce, des deux côtés de la ligne bleue.

En effet, que ce soit Ehoud Olmert ou Sayyed Hassan Nasrallah, les deux chefs semblent vouloir prouver à leur population respective qu'ils avaient agi dans le meilleur intérêt des leurs. En somme, le rapt des deux soldats israéliens par-delà la ligne bleue, qui démarque la frontière libano-israélienne, n'est rien d'autre qu'une promesse électorale tenue par le leader chiite charismatique pour négocier l'échange du prisonnier Samir El-Qantar !

D'ailleurs, Nasrallah était étonné de la réponse musclée d'Israël, alors qu'il était habitué à ce genre d'opérations pour échanger des prisonniers arabes contre les cadavres de soldats israéliens tués lors d'escarmouches avec sa milice, ou kidnappés à l'étranger.

Quant au premier ministre israélien, il agit avant tout pour s'affirmer en tant que leader alors que l'ombre d'Ariel Sharon plane toujours. Or, pour se démarquer d'"Arik", Olmert et son ministre de la Défense, Émir Peretz, un travailliste dépourvu d'un passé militaire, ont choisi d'appliquer la loi du talion afin de casser ce cercle vicieux duquel ils n'arrivent plus à sortir.

Le cercle de violence a commencé avec l'arrivée au pouvoir du Hamas dans les territoires, suivie du rapt du soldat Shalit par des membres du Hamas, qui ont utilisé une tactique du Hezbollah qui avait fait ses preuves. Or, conscient que le gouvernement israélien actuel ne peut se permettre de montrer son inexpérience militaire ni de flancher devant une menace terroriste quelle qu'elle soit, Tel-Aviv a décidé de tenter de mettre fin à ce cercle de violence. Il envoie ainsi un message clair : Israël ne négocie pas lorsqu'il est victime de chantage.

À défaut d'une réaction musclée, le gouvernement israélien enverrait un signe de faiblesse qui serait interprété par les terroristes du monde entier comme une invitation à s'attaquer aux intérêts juifs sur les cinq continents.

Guerre mal gérée

Au départ, donc, les enjeux pour les uns et pour les autres avaient pour base la population. Or, cette guerre de juillet 2006, ou ce premier round, a été mal gérée par Olmert-Peretz et par Nasrallah ; elle a ainsi eu pour conséquence de soulever une bonne partie de la population contre eux.

La seule différence majeure, c'est que le Hezbollah tente de sauver sa légitimité et le soutien populaire chiite en achetant, à coups de dizaines de milliers de dollars comptant, le silence et l'appui des pauvres gens qui ont perdu leurs demeures. Il bénéficie également d'un appui presque inconditionnel ou forcé des médias aussi bien libanais qu'arabes. Alors qu'en Israël, où la démocratie règne, les médias sont loin de faire un quelconque cadeau au gouvernement et l'heure est aux critiques et à l'examen des causes d'un tel échec dans la gestion d'une crise de cette ampleur.

Les risques à venir

Ainsi, que ce soit Tel-Aviv ou "Haret Hreik", les deux "capitales" tentent de regagner leurs bases populaires. Dans le cas du Liban, le Hezbollah essaie d'acheter à coups de dizaines de milliers de dollars américains (!) le silence des sinistrés afin de leur faire oublier sa responsabilité dans l'incursion israélienne qui a causé la destruction de leurs biens. Toutefois, son refus de se plier aux exigences de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies pourrait bien plonger le Liban dans une guerre intestine.

Et ce, malgré la volonté de la majorité des Libanais de ne pas vouloir entrer une fois de plus dans une logique de guerre civile fratricide. En effet, en refusant de se désarmer, Sayyed Hassan Nasrallah se met à dos les autres partis politiques libanais qui cherchent à légitimer l'État libanais, seul habilité selon eux à posséder le monopole de la force.

Quant au gouvernement israélien, les attaques du Likoud pour la démission d'Ehoud Olmert et les multiples scandales financiers qui commencent à sérieusement secouer l'image du gouvernement risquent fort de mener Olmert à sa chute et de porter au pouvoir quelqu'un de plus radical ou provenant du milieu militaire.

Ainsi, le Liban et Israël semblent se tourner vers une radicalisation : le premier malgré lui et à cause de la faiblesse de ses institutions, confisquées par la personnalité charismatique du chef du Hezbollah ; le second à cause de la force de ses institutions démocratiques qui cherchent à mettre un terme aux faiblesses de son chef. Dans les deux cas, les tambours de guerre sont loin d'être rangés et leur son résonne toujours dans l'écho du Cèdre !

Alain-Michel Ayache, spécialiste du Proche et du Moyen-Orient

Saturday, July 15, 2006

Un point de non-retour au Liban

Le Soleil
Opinions, samedi, 15 juillet 2006, p. 39

Analyse

Un point de non-retour au Liban

Ayache, Alain-Michel

Considéré comme un mouvement terroriste par les États-Unis, le Canada, Israël et certains pays européens, le Hezbollah vient de faire plonger tout le Liban au grand dam du gouvernement libanais dans une guerre perdue d'avance, poussant du même coup Israël vers un point de non-retour car il s'agit maintenant de sa survie.

Le Hezbollah

Armé et financé par l'Iran, avec l'appui de la Syrie, ce mouvement chiite libanais a lancé il y a quelques jours un assaut par delà la ligne bleue imposée par les Nations unies, laquelle sépare la frontière nord d'Israël du Sud Liban. Cette opération commando est sans précédent. Elle s'est soldée par la mort de huit soldats israéliens et deux autres sont détenus en otages.

Or, cette attaque a surpris aussi bien le monde entier que le gouvernement libanais, lequel n'était pas au courant des préparatifs de cet assaut contre Israël. D'ailleurs, depuis le vote de la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l'ONU, en 2004, ce gouvernement tente de désarmer le Hezbollah, mais sans réussir. Ce mouvement prétend que son action de "résistance" sera légitime tant qu'Israël occupera les fermes de Shebaa, pourtant syriennes selon les Nations unies. Toutefois, sa dernière attaque contre Tsahal s'inscrirait, selon son secrétaire général, Sayyed Hassan Nasrallah, comme la seule solution pour récupérer les prisonniers arabes, mais principalement les trois Libanais chiites capturés par Israël lors de l'Opération Paix en Galilée lancée contre les Palestiniens au Liban en 1982.

Ses visées

Tout porte à croire que la stratégie du Hezbollah est double. La première est d'ordre local, où le "Parti de Dieu" tente de démontrer au gouvernement libanais qu'il est le plus fort au Liban et qu'ainsi, il n'y a aucune chance pour que ce gouvernement réussisse à remplir les conditions imposées par la résolution 1559 du Conseil de sécurité, c'est-à-dire le désarmement du Hezbollah et le déploiement de l'armée légale libanaise sur toute la région sous le contrôle actuel de ce mouvement chiite.

C'est ce qui expliquerait la réaction de colère du cabinet libanais. Celui-ci accuse Israël de faire porter l'odieux de l'attaque au Liban en entier au lieu du Hezbollah.

Ironiquement, cela signifie aussi que l'État libanais, prisonnier de sa faiblesse institutionnelle et politique (compte tenu du poids du Hezbollah aussi bien au Parlement qu'au Cabinet), verrait d'un bon oeil l'attaque israélienne contre le mouvement car cela pourrait l'affaiblir et l'aider à le désarmer pour reprendre le contrôle du Sud.

Par contre, il voit d'un mauvais oeil la destruction de l'infrastructure du Liban car le pays s'est largement endetté pour sa reconstruction en 1990. De plus, le blocus total du pays n'est pas pour déplaire à la Syrie, laquelle détient la seule frontière terrestre avec le Liban - à part Israël. Ce qui mine les assises du gouvernement Siniora.

Quant à l'autre message du Hezbollah, il est adressé au Hamas, qui, il y a quelques jours, semblait prêt à livrer le soldat Shalit à Israël. En effet, si les populations arabes, plus particulièrement celle des territoires palestiniens, ont eu le moral rehaussé par le retrait israélien du Liban en mai 2000, cette dernière opération du Hezbollah leur a donné l'oxygène nécessaire pour continuer leurs actions contre l'État hébreu.

Point de non-retour

Cette escalade de la violence constitue pour le premier ministre d'Israël, Ehoud Olmert, son premier test devant une crise majeure internationale.

Pour lui, il est hors de question qu'Israël recule devant le Hezbollah et pour cause : le retrait de mai 2000, perçu par le monde musulman et arabe comme une victoire incontestée du Hezbollah, est considéré par Israël comme un retrait politique à la suite des promesses électorales d'Ehoud Barak.

Or, le rapt du soldat Shalit par des membres du Hamas, copiant les tactiques de guérilla anti-israélienne développées par le mouvement chiite (suivi par sa récente opération), constitue une ligne rouge à réinstaurer à tout prix.

À défaut, c'est la survie d'Israël qui serait en jeu. En effet, Tel-Aviv ne peut se permettre de baisser les bras devant de telles actions ni accepter de se livrer à des négociations, car cela constituerait un appel à tous les mouvements terroristes d'attaquer Israël, de kidnapper ses citoyens partout dans le monde afin d'en faire une monnaie d'échange.

D'où la détermination israélienne de mettre un terme à la forte image médiatique du Hezbollah dans l'imaginaire arabe et musulman. Cela pourrait même aller jusqu'à l'assassinat ciblé du secrétaire général du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah.

Alain-Michel Ayache, chercheur associé à la chaire Raoul-Dandurand de l'UQAM

Thursday, March 16, 2006

À l'aube des sons des tambours de guerre

Le Soleil
Opinions, jeudi, 16 mars 2006, p. A17

Moyen-Orient
À l'aube des sons des tambours de guerre

Alain-Michel Ayache

Comprendre vers où se dirige le Moyen-Orient est désormais digne de la meilleure des diseuses de bonne aventure ! Mais là encore, rien n'est sûr ! Est-ce pour autant un échec de "l'initiative" américaine "d'implanter la démocratie" dans cette région du monde ? Ou est-ce malgré tout un espoir qui pointe toujours à l'horizon, aussi timide soit-il ?

À entendre l'un des principaux faucons américains, Richard Pearl, avouer sur l'une des chaînes télévisées des États-Unis que Washington se trouve face à un problème en Irak, et que l'administration s'est trompée dans ses calculs, est en soi annonciateur du degré de désarroi des Américains dans ce dossier.

L'Irak, dont la "libération" du joug de Saddam Hussein devait être un modèle de choix à exporter dans le reste des pays avoisinants, de cohabitation des différentes ethnies qui le composent, tend de plus en plus vers une libanisation.

La logique chiite

En effet, le gain que les chiites ont rapporté lors des dernières élections législatives en Irak leur a donné une légitimité de réclamer plus de pouvoir et durcir leur position vis-à-vis de toute négociation avec les sunnites accusés de vouloir maintenir la doctrine du parti Baas en vigueur. Majoritaires au pays, les chiites cherchent à consolider leurs acquis et à s'accaparer de leur région au sud, riche en pétrole, de quoi leur assurer des rendements et non des moindres. Or, là réside un des noeuds les plus compliqués pour les Américains. En effet, bien qu'officiellement, leur intervention en Irak portait le label de "libération", il n'en demeure pas moins que les richesses pétrolifères de l'Irak constituent une source importante en substitut au pétrole saoudien duquel Washington essaye de se libérer. Pas question alors pour les décideurs américains d'abandonner ces puits à un moment où le prix du baril est en hausse. Pas question de revivre non plus la crise de 1973 ! D'où le problème ! Maintenir les G.I. en Irak, c'est risquer de voir de plus en plus de corps rapatriés au pays et, à moyen terme, un ras-le-bol de la population, qui, du moins, paraît actuellement dans les sondages. Quitter le pays, sans y avoir assurer la sécurité, c'est prouver la faillite de la doctrine Bush et de la stratégie "préemptive" de Washington. C'est également une invitation ouverte aux terroristes de s'attaquer à tous les intérêts américains et occidentaux dans la région et ailleurs...

Double jeu irano-syrien

À ces problèmes américains s'ajoute le double jeu irano-syrien, tant dans la région qu'à l'intérieur de l'Irak même. En effet, conscient de l'importance de la donne chiite irakienne, Téhéran tente d'infiltrer les courants intégristes chiites irakiens, les armer, les entraîner et les endoctriner pour prendre le contrôle du sud du pays, voire au-delà et faire face aux sunnites. De l'autre côté et presque de connivence stratégique, Damas arme et encourage les sunnites à s'opposer aux chiites dans une tentative de compliquer la donne aux Américains afin de pousser le spectre de l'enquête de l'ONU sur l'assassinat de l'ex-premier ministre libanais Rafic Hariri loin du régime et éviter son effritement et son implosion. C'est dans cette même optique d'ailleurs, qu'il faut analyser les manifestations populaires en Syrie et au Liban contre les ambassades du Danemark et de Norvège à la suite de la publication des caricatures de Mahomet, sachant qu'une telle pression sur le Danemark à quelques semaines de sa présidence du Conseil de sécurité de l'ONU pourrait affecter toute décision coercitive à l'encontre de Damas.

Les défis du Hamas

Sur un autre axe, l'accession du Hamas au pouvoir, alors que les dirigeants de ce parti n'avaient pas prévu leur succès, leur pose un défi de taille. Pour réussir à gérer les territoires, avec le peu de moyens dont ils disposent, ils doivent coopérer avec les Israéliens sur nombre de sujets "techniques", comme le faisait l'Autorité palestinienne. Or, tant qu'ils ne renoncent pas à l'idée d'effacer Israël de l'existence et à ne pas reconnaître l'État hébreu, ils se heurteront forcément à Ehoud Olmert. Ce dernier, à quelques jours des élections législatives israéliennes, ne peut que durcir encore plus le ton face au Hamas, à l'instar de ce qu'il vient de faire à Jéricho, afin d'éviter que le vote des Israéliens ne bascule du côté de Benjamin Netanyahu tant que le Hamas maintient sa ligne dure et son slogan inflammatoire à l'égard d'Israël. Ce qui serait à craindre, c'est qu'avec une telle pression occidentale sur le Hamas et leur boycott financier, ses leaders se tourneraient vers des pays arabes tel l'Arabie Saoudite ou vers des groupes ayant un agenda particulier comme le Hezbollah pour pallier à ce manque. Cela se traduirait, entre autres, par la radicalisation de la rue et la prise à partie de l'Occident, comme cela s'est produit à la suite de l'assaut de la prison de Jéricho par Tsahal.

L'Égypte vieillissante

Et, enfin, le géant vieillissant, l'Égypte. Le régime de Moubarak risque de laisser de plus en plus de plumes à chaque élection, face au durcissement des positions des groupements islamistes et notamment les Frères musulmans qui finiront tôt ou tard par prendre le pouvoir si le régime actuel n'arrive pas à encourager la mise en place d'une société civile, moderne et démocratique, comme le demande Washington. Or, là encore, l'administration américaine et les faucons semblent également se tromper de stratégie. Car, implanter la démocratie à l'occidentale dans des pays qui ne connaissent que dictature et tribalisme pour la plupart d'entre eux risque de se retourner contre les Américains et les Occidentaux et produire des effets contraires.

Ainsi, le Machrek arabe se trouve désormais plus déchiré que jamais et à la croisée des chemins. Ni Washington, ni Londres, ni Paris et encore moins Ottawa ne peuvent prédire les prochaines étapes. Les événements dans cette région avancent à pas de guerre et déjà les tambours battent leur plein ! Reste à savoir, du moins pour nous Canadiens, si Ottawa pourra user de son savoir-faire diplomatique et de la tradition canadienne pour essayer de jouer le modérateur en tentant de rapprocher les points de vue dans un temps où ni Washington, ni l'Europe ne semblent détenir la bonne méthode.

La Chaire Raoul-Dandurand tient aujourd'hui à Montréal le colloque "Quel avenir pour le Moyen-Orient ? Entre démocratie et instabilité". www.dandurand.uqam.ca

Alain-Michel Ayache

L'auteur est chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l'UQAM.

Monday, February 6, 2006

Le Hamas au pouvoir

Le Soleil
Opinions, lundi, 6 février 2006, p. A17

Analyse

Le Hamas au pouvoir
Une radicalisation de la région est à craindre

Alain-Michel Ayache

La victoire du Hamas était prévisible compte tenu de la corruption des dirigeants du Fatah et de leurs promesses jamais tenues.

Pour en mesurer l'ampleur, il faudra remonter aux accords du Caire en 1969 qui ont donné libre cours aux Palestiniens pour mener leurs attaques contre Israël à partir du Liban. À l'époque, les pays arabes et à leur tête l'Arabie Saoudite, la Syrie et la Libye finançaient à coup de milliards de dollars "l'Organisation de libération de la Palestine" (OLP). L'argent servait principalement aux opérations de terrorisme international et non à bâtir une infrastructure dans Gaza et la Cisjordanie ou promouvoir l'éducation des jeunes. Arafat et son entourage s'étaient appropriés des fortunes, tout en poussant la propagande palestinienne à faire porter la responsabilité de la pauvreté sur l'État hébreu. Les comptes en Suisse et en Europe au nom de l'épouse d'Arafat et de ses collaborateurs se garnissaient pendant que le peuple palestinien vivait dans la misère.

Le mythe de Saladin

De son vivant, Arafat n'avait pas manqué une occasion de narguer son ennemi de toujours, Ariel Sharon, en bloquant le processus de paix et en mettant en oeuvre une opération charme très efficace qui a détruit la crédibilité d'Israël aux yeux de l'opinion publique internationale. Pendant ce temps, la mouvance radicale du Hamas adoptait la stratégie du Hezbollah libanais pour récupérer l'opinion de la rue à son profit d'autant plus que la jeunesse palestinienne n'avait plus d'espoir face à l'inertie de l'Autorité palestinienne dans un contexte d'attaques des "libérateurs contre l'occupant israélien" et des représailles de ce dernier.

C'est principalement pourquoi Mahmoud Abbas a perdu sa crédibilité malgré le retrait de Tsahal de Gaza. Car, ce qui était considéré par Israël comme un geste de bonne foi était perçu par la rue comme une victoire du Hamas, à l'instar de ce qui s'était passé au Liban en mai 2000 après le retrait précipité de l'armée israélienne. La suite est facile à comprendre. La rue choisit le mythe de l'armée victorieuse de Saladin contre l'infidèle afin de punir, entre autres, les corrompus ou le Fatah et ses dirigeants.

Aujourd'hui, Hamas est à la croisée des chemins et le choix de sa politique orientera l'avenir de l'ensemble de la région. Le mouvement se trouve devant trois options :

1- Le Hamas dirige un gouvernement radical : dans l'hypothèse où les dirigeants du mouvement arrivent à comprendre le mécanisme de la gestion du territoire, ils devront faire face à leur slogan qui rejoint celui du président iranien pour effacer Israël de la carte du monde. S'ils le maintiennent, l'Occident imposera des sanctions économiques qui étoufferont le peu d'espoir que les Palestiniens pensaient avoir avec l'arrivée au pouvoir du Hamas. S'en suivra alors une montée de la tension et des opérations terroristes contre Israël, voire en Occident. Quant aux sources de financement, il ne serait pas étonnant que l'Iran, la Syrie et l'Arabie Saoudite remplacent les pays occidentaux, ce qui alimenterait le terrorisme international. Cette radicalisation amènerait celle d'Israël et se traduirait par l'élection de Netannyahou en mars prochain.

2- Le Hamas opte pour le statu quo contrôlé : cela voudrait dire qu'il ne changerait pas de slogans, mais qu'il ne s'abstiendrait de lancer des attaques contre Israël, en attendant la suite donnée au dossier du programme nucléaire iranien par le Conseil de sécurité. Selon cette hypothèse, l'aide proviendrait des pays arabes et même de Russie et de Chine pour remplacer à moyen terme celle de l'Occident, mais pas pour longtemps, car l'axe irano-syrien sous pressions américaines, chercherait à déstabiliser la région en activant aussi bien le Hezbollah que d'autres mouvements radicaux, si le Hamas se retient de lancer des attaques contre Israël.

3- Le Hamas reconnaît l'existence de l'État hébreu : cette hypothèse qu'alimentent quelques intellectuels arabes est peu probable et ne verra jamais le jour. Car, il faudra que le Hamas renonce à sa "raison d'être". Or, c'est là que réside l'essentiel de la problématique actuelle. Que ce soit le Hamas ou le Hezbollah, renoncer aux armes au profit de la politique signifierait perdre la guerre contre Israël. D'aucuns diront que si l'objectif ultime est la paix et la souveraineté d'un État palestinien, les dirigeants du Hamas pourraient arriver à cette décision, sauf que cela créerait un précédent pour l'ensemble des pays qui ont des mouvances islamistes en gestation. Toutefois, dans le contexte actuel de tension régionale, il est plus approprié de penser que le succès du Hamas causera une contagion radicale qui affectera l'ensemble des pays arabes où la doctrine Bush pensait implanter un semblant de démocratie.

Alain-Michel Ayache

Chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand de l'UQAM et spécialiste du Proche et Moyen-Orient

Saturday, January 7, 2006

L'après Ariel Sharon

Le Soleil
Opinions, samedi, 7 janvier 2006, p. A25

L'après-Ariel Sharon
La région risque de plonger dans l'instabilité

Ayache, Alain-Michel

Luttant pour sa survie, la vie d'"Arik" ne tient désormais qu'à un fil qui s'amenuise. S'il disparaît, cela créera un vide sans précédent dans la vie politique israélienne et mettra un frein brutal au processus de paix pour l'immédiat. Une majorité d'Israéliens avaient choisi de soutenir la politique de Sharon pour parvenir à la paix. S'il ne devait pas revenir en politique, le défi de son allié et partenaire dans Kadima, Shimon Peres, sera de maintenir cette confiance des Israéliens envers Amir Peretz, ce jeune leader syndicaliste qui l'a vaincu à la direction du Parti travailliste.

À ce risque de virage à gauche, Kadima doit également affronter le Likoud de Benyamin Nétanyahou plus radical que jamais partisan d'un retour à l'idée d'un "Eretz Israel" abandonnée par Sharon. Une idée qui pourrait séduire les "sharoniens" si les Palestiniens de la rue deviennent plus radicaux, si Hamas prend le dessus sur l'Autorité palestinienne. Le paysage politique israélien est devenu incertain ; or, les préparatifs pour les élections législatives sont officiellement maintenus malgré l'absence de Sharon.

Figure controversée

Avec la fin de "l'ère Sharon", Israël perdra un de ses piliers. Figure controversée, "Arik" était considéré comme un héros national, un des derniers champions de la paix après la disparition de son ennemi de toujours, Yasser Arafat. D'ailleurs, si la décision de Sharon de se retirer de la bande de Gaza n'est survenue qu'après la mort de ce dernier, c'est qu'il attendait une nouvelle génération de politiciens palestiniens.

Au moment où la région vit de grands changements, alors que le fondamentalisme musulman gagne du terrain dans les pays avoisinants (notamment en Égypte et dans la bande de Gaza), la vision de Sharon pour la construction du mur devenait pour de nombreux Israéliens une vision stratégique pour la défense de l'État hébreu.

Trois axes à surveiller

L'axe Hamas-Autorité palestinienne : si, comme le confirment les dernières élections, le Hamas conforte ses positions avec une assise populaire de plus en plus grande dans Gaza et la division du Fatah (le groupement de Yasser Arafat dont les cadres forment l'actuel Autorité palestinienne) entre d'une part, la vieille garde proche de la lignée d'Arafat et de l'actuel président Mahmoud Abbas, et de l'autre, les jeunes loups plus durs vis-à-vis d'Israël, la tendance serait alors un glissement vers une union de fait stratégique sur le terrain avec le Hamas pour miner les pourparlers de paix et maintenir la tension entre Palestiniens et Israéliens.

Par contre, si le parti Kadima réussissait tout de même à gagner les élections législatives de mars prochain en Israël, l'héritage de Sharon en matière de paix pourrait se perpétuer à travers son nouvel allié, l'autre héros de la paix, Shimon Peres, qui a quitté le Parti travailliste pour s'unir à son ancien rival Ariel Sharon dans cette nouvelle vision de paix entre les peuples.

L'axe Égyptien : c'est l'un des axes les plus importants pour Israël. Le Caire était la première capitale arabe à signer la paix avec Israël. Un accord qui a mené aux développements des relations entre les deux États bien que, sur le terrain, les choses sont restées plutôt limitées à quelques aspects pratico-pratiques, tel le tourisme. La disparition de Sharon mettra plus de pression sur l'actuel président égyptien dans sa lutte acharnée contre la montée de l'intégrisme musulman dans son propre pays dans le cadre de la "démocratisation" de l'Égypte.

Par contre, si le Likoud prenait le pouvoir avec Benyamin Nétanyahou comme premier ministre d'Israël, les relations avec l'Égypte prendraient un virage différent, ce qui pourrait affecter la stabilité régionale d'autant plus que Nétanyahou s'était levé contre Sharon pour sa décision de libérer la bande de Gaza. Certains craignent que Nétanyahou élu, il puisse aller jusqu'à créer une situation de conflit avec les Palestiniens pour justifier une nouvelle incursion dans Gaza ! Ce qui amènerait la population égyptienne à se soulever contre le président Moubarak. La situation retournerait alors à ce qu'elle était avant le décès d'Arafat... et un froid s'installerait dans les relations israélo-égyptienne.

L'axe irano-syrien : si un axe risque d'enflammer la région, c'est bien celui de Damas-Téhéran. En effet, accusé par la communauté internationale d'être derrière l'assassinat de l'ex-premier ministre libanais Rafic Hariri et du magnat de la presse libanaise, le député Gebran Tuéni, Damas influence les factions armées palestiniennes au Liban pour le déstabiliser et il pousse leurs combattants à lancer des attaques à la roquette contre le Nord d'Israël. Or, si Tsahal répond à chaque attaque d'une manière ciblée et limitée, c'est principalement à cause de la politique d'Ariel Sharon. La grande inconnue serait de connaître la réaction de Nétanyahou en pareille situation s'il était élu.

Autre inconnue de taille, le Hezbolla, soutenu et armé par l'Iran : ce groupement armé chiite, posté aux limites nord d'Israël, ne rate pas une occasion de perturber la frontière lorsqu'il a une politique précise à mettre de l'avant sur la scène internationale. Il ne serait pas étonnant qu'il observe d'abord une trêve avec Tel-Aviv pour prendre le pouls d'Israël avant de décider de la suite. Le scénario le plus pessimiste serait un affrontement Nétanyahou-Hezbollah qui pourra plonger la région en entier dans le chaos.

Le défi américain

Le grand perdant avec l'éventuelle disparition d'Ariel Sharon, ce sera le président George W. Bush, qui perdra un allié de taille, un poids lourd de la politique régionale alors que les États-Unis cherchent à consolider ses assises en Irak et dans la région par "l'encouragement" à une "démocratisation" tous azimuts. Cette politique, bien qu'elle ait prouvé son efficacité dans certains cas, demeure fragile face à la montée du fondamentalisme musulman. L'arrivée éventuelle de Nétanyahou à la tête du gouvernement israélien pourrait sérieusement affecter la suite du processus de paix et imposer une nouvelle dynamique, laquelle ne serait pas nécessairement favorable à la politique actuelle de l'administration Bush.

Le Proche et le Moyen-Orient ne seront plus les mêmes après la disparition d'"Arik". Une époque est désormais révolue !

Alain-Michel Ayache est Chercheur associé à la Chaire Raoul Dandurand de l'UQAM, analyste du Proche et Moyen-Orient