Tuesday, August 3, 1993

Après la "Guerre des Sept-Jours"

Le Devoir
Idées, mardi, 3 août 1993, p. A13

Après la «Guerre des Sept-Jours»
Le chemin de Damas

Ayache, Alain-Michel
Journaliste montréalais d'origine libanaise

Chaque collaboration a son prix. Celle du régime actuel du Liban a non seulement conduit le pays à une annexion de facto de la part de Damas, mais également à en faire une proie facile à tout pays voulant avoir son mot à dire sur la scène régionale.

En effet, ce qui se passe aujourd'hui au Sud-Liban n'est autre chose que la continuité de la politique de l'autruche conduite par le gouvernement de M. Rafik Hariri, d'autant plus que la réaction d'Israël était prévisible.

Prévisible, car le Hezbollah est la seule milice (avec celle d'Amal) à n'avoir point été neutralisée lors des opérations de désarmement lancées par le régime en place pour mettre fin à la présence des milices et ainsi rendre le pouvoir violé à l'armée et à l'État.

Cette action avait été largement appuyée par Damas. La Syrie avait non seulement donné son aval pour cette opération, mais avait également prêté main-forte à l'armée libanaise.

Le Hezbollah est appuyé et armé par l'Iran, mais il opère sous la houlette de Damas.

En fait, si la Syrie n'a pas désarmé ce groupe de fanatiques, c'est justement pour garder une carte entre ses mains, qu'elle utilise pour exercer des pressions de toutes sortes sur les Américains, mais également sur les Israéliens, dans le cadre des négociations des pourparlers de paix au Moyen-Orient.

C'est ainsi qu'à chaque visite annoncée du secrétaire d'État américain Warren Christopher pour la région, le Hezbollah s'active comme par hasard sur le terrain et lance ses attaques contre le territoire nord d'Israël!

Dès lors, il est naturel que Tel-Aviv réplique...

Ce qui est malheureux dans cette histoire, c'est que les Libanais sont les victimes de toutes les exactions syriennes et israéliennes.

Ce sont eux qui paient les pots cassés, pendant que leur gouvernement ne cesse de se plaindre auprès des Nations unies comme un enfant lorsqu'il fait tomber son jouet... Pourtant, il peut remédier à ce «problème» rapidement en prenant les choses en mains et en garantissant la sécurité de ses populations.

Bien entendu, cette protection des citoyens libanais devra passer par le maintien de l'ordre à l'intérieur du pays. Et donc, par le contrôle des activités militaires de tous les groupes armés, afin que nul pays avoisinant n'ait d'excuses valables pour s'attaquer au pays des Cèdres!Damas est la seule bénéficiaire de ce qui se passe actuellement au Liban, puisqu'elle pousse l'État hébreu vers un discrédit international et envoie par le fait même, en direction de l'Occident, un message plus clair que jamais, à savoir que c'est elle qui décide au Liban! Il n'est pas étonnant d'entendre Washington dire que la visite de M. Christopher dans la région ne comportera pas d'escale à Beyrouth, mais en comptera bien une à Damas.

Ainsi, la tragédie libanaise n'est qu'une mascarade de politique et de diplomatie internationale. Une pièce de théâtre qui oppose, dans un bras de fer interminable, Israël et la Syrie pour le contrôle de la région, ou plus exactement pour la répartition de la région en zones d'influences.

Le Liban demeure quant à lui l'endroit préféré pour le règlement de ces différends. Sa population, elle, demeure condamnée à l'éternelle souffrance...