Wednesday, November 16, 2005

L'appel au génocide du président iranien et le silence complice de l'Islam

Le Soleil
Opinions, mercredi, 16 novembre 2005, p. A19

Commentaire

L'appel au génocide du président iranien et le silence complice de l'Islam

Ayache, Alain-Michel
Chercheur associé à la Chaire Raoul Dandurand de l'UQAM et analyste du Proche et du Moyen-Orient

Étonnant ! C'est le moins que l'on puisse dire des récentes déclarations fracassantes du président iranien à propos d'Israël. Ahurissante voire révoltante, la réaction quasi inexistante du monde musulman et notamment arabe vis-à-vis de cet appel haineux ! Pourquoi maintenant, que cherche l'Iran de Mahmoud Ahmadinejad dans le contexte mondial actuel ? Serait-ce une stratégie de défense contre les pressions américaines cherchant à limiter les capacités nucléaires de Téhéran ?

Il est inconcevable de nos jours que l'on passe sous silence un tel appel à la haine raciale et au génocide envers l'État d'Israël. Comment l'Islam d'aujourd'hui, religion de "paix" comme le clament haut et fort ses dignitaires et ses adeptes, accepte-t-il ou même tolère-t-il un tel appel au nettoyage ethnique en "effaçant Israël de la carte du monde" ? Est-ce l'image que l'Islam veut se donner aujourd'hui ?

Loin d'être un parti pris pour les uns ou pour les autres, un tel appel ne peut que miner les chances d'une paix durable dans cette région du monde, le Proche et le Moyen-Orient. Alors que les deux principaux belligérants croient avoir finalement trouvé une base d'un renouveau dans le respect et l'acceptation des droits des uns et des autres, voilà que les grands perdants d'une politique de paix tentent d'ébranler les assises d'une solution humaine à cette problématique devenue mondiale depuis le 11 septembre 2001.

Pourquoi laisser le terrain aux intégristes pour miner la paix, alors que l'ensemble des deux populations concernées sont à la recherche d'une stabilité pour leur quotidien ? Pourquoi l'Islam ne met-il pas fin à son "Inquisition" et ne montre-t-il pas un autre visage, plus tolérant et plus ouvert, à l'instar des discours occasionnels de ses dirigeants ou à l'occasion de discours politiques spécifiques destinés à calmer les peurs de l'Occident ?

Condamner un génocide, même s'il s'agit de celui de son "ennemi", n'est pas une erreur stratégique, mais une vertu. Garder le silence sur ce genre de déclaration, c'est être complice et encourager la rue musulmane à épouser davantage le discours radical vis-à-vis de non seulement d'Israël, mais également à la longue, de l'Occident, considéré comme protecteur de l'État hébreu.

Ce ne sont pas les quelques voix musulmanes qui se sont levées contre cet appel iranien ou les quelques personnalités arabes pro-occidentales qui feront la différence, car elles ne sont pas véritablement représentatives du monde arabe et musulman. Se démarquer du discours du président iranien, c'est le condamner, voire inciter les gens à la non-violence. Et l'on ne parle pas ici des droits des Palestiniens ! En effet, s'il y a des personnes qui devraient se rebeller contre Israël, ce sont, en principe, les Palestiniens qui, selon eux, veulent récupérer leur terre. Or, ces même Palestiniens reconnaissent désormais le droit d'Israël à exister et sont prêts - du moins selon les discours du président de l'Autorité palestinienne - à fonder un État voisin de celui de l'État d'Israël et de vivre en paix, une fois que les questions restantes - et qui sont importantes tant pour les Israéliens que pour les Palestiniens, notamment le statut de Jérusalem - seront résolues d'un commun accord, parrainé ou pas par l'Occident.

Toutefois, si l'on part du principe que l'Islam dépasse les frontières et transcende les peuples qui le composent, alors on se trouve devant une question majeure : que veut l'Islam ? Cherche-t-il la paix entre tous les peuples et donc également entre juifs et musulmans ou confirme-t-il la vision "ben-ladiste" voire aussi "sadamiste" de la revanche de "Saladin", version d'aujourd'hui ? N'est-ce pas un appel au réveil des Musulmans que représente cette haine du président iranien vis-à-vis des "Gens du Livre" ?

L'Islam a la chance aujourd'hui de montrer un visage humaniste et anti-terroriste, car si tous les Musulmans ne sont pas terroristes, tous les terroristes sont musulmans dans l'imaginaire de l'Occident. En effet, condamner ouvertement par les grandes instances islamiques le discours du Président iranien appelant à effacer l'État d'Israël de la carte, représente un précédent sur le chemin de la réconciliation entre ces deux grandes religions et porteur d'une solution de paix à long terme dans la région du Proche et du Moyen-Orient.

Passer sous silence ou avec des condamnations timides cet appel au génocide, ne fait que généraliser une image néfaste de l'Islam en Occident, à un moment crucial où les musulmans cherchent à la changer postattentats terroristes du 11 septembre. Ainsi, il est plus que jamais important que les hautes instances islamiques au Québec, au Canada et partout dans le monde condamnent ouvertement un tel appel, se séparant finalement et formellement du discours intégriste et réducteur des vérités humaines. Ce faisant, elles démontreront que l'Islam est après tout une religion capable d'accepter l'Autre dans sa différence sur une base égale et loin de tout prosélytisme moyenâgeux.


Friday, November 4, 2005

Un cri haineux

La Presse
Forum, vendredi, 4 novembre 2005, p. A18

Cyberpresse.ca

Un cri haineux

L'appel du président iranien visant à effacer Israël de la carte du monde doit être condamné. Voilà ce qu'écrit en substance Alain-Michel Ayache, spécialiste du Proche et du Moyen-Orient et chercheur associé à la chaire Raoul-Dandurand de l'UQAM dans un texte intégral publié aujourd'hui sur Cyberpresse.ca/opinions.

M. Ayache conclut: " Passer sous silence ou avec des condamnations timides cet appel au génocide ne fait que généraliser une image néfaste de l'Islam en Occident, à un moment crucial où les Musulmans cherchent à changer leur image à la suite des attentats terroristes du 11 septembre 2001. Ainsi, il est plus que jamais important que les hautes instances islamiques au Québec, au Canada et partout dans le monde condamnent ouvertement un tel appel et se séparent finalement et formellement de tels discours intégristes et réducteurs. "