Thursday, September 17, 2015

Syrie: Realpolitik ou tout simplement naïveté?


Il y a des jours où je me demande si l'Occident est conscient de sa naïveté et prisonnier de sa démocratie et ses valeurs... et puis je me dis que c'est peut-être sa façon de défendre nos valeurs de liberté... mais à quel prix?

La tragédie des Émigrants et réfugiés syriens -- entre autres -- nous donne finalement l'occasion, et ce, bien très tard -- mais comme dit l'adage: « mieux vaut tard que jamais » -- de réaliser que sans aider à trouver la solution dans les pays du tiers-monde, leurs problèmes finiront par nous rattraper d'une manière ou d'une autre et souvent, c'est le contribuable occidental qui paye les pots cassés des politiques de ses gouvernements qui fragilisent en fin de compte nos valeurs.

Pas d'alternative viable

Loin d'être un fan du dictateur syrien, il n'en demeure pas moins que sa disparition en ces moments rendront la situation au Proche et Moyen-Orient encore plus volatile et facilement exportable vers l'Ouest. Rappelez-vous ce que feu Kadhafi disait de son vivant, que l'Occident finira par perdre devant la démographie musulmane. Là encore, il ne s'agit pas non plus de créditer cette thèse aveuglément ou de clouer au pilori l'Islam car souvent il y a de nombreux musulmans qui ont contribué et d'une manière très honorable à bâtir la renommée de nombreux pays occidentaux dans plus d'un domaine.

Sauf qu'il faut être réaliste et conscient du danger de ne pas connaître à qui on a véritablement à faire. Oui, l'Islamisme pur et dur ou le fondamentalisme souvent associé au wahhabisme et au salafisme ne peut en aucun cas être compatible avec nos valeurs occidentales et pourtant me diriez-vous que les princes saoudiens et qataris sont éduqués en Occident et importent nos valeurs chez eux... Certes, c'est vrai en partie, mais cette importation vise les familles royales et princières alors que le peuple ou le commun des mortels reste plongé dans l'ignorance. Or, le problème n'est pas ici, car nul gouvernement occidental n'ignore cette vérité. Pire, les dictateurs d'autant que la soi-disant révolution arabe financée et encouragée par le Qatar, mieux connue sous le surnom de « printemps arabe » avaient été pour longtemps les chouchous de l'Occident et leurs alliés objectifs dans la mesure où les richesses naturelles et notamment pétrolières de ces derniers servaient l'Occident. Des richesses dont les retombées atterrissaient dans les poches des princes et des gouverneurs alors que le commun des mortels était souvent réduit à la mendicité. Cela était également vrai pour le régime syrien qui, pour des nombreuses années, était le partenaire pragmatique de Washington dans le maintien du calme sur la frontière nord d'Israël alors qu'au même moment, les États-Unis et l'Occident dans son ensemble étaient au courant des exactions du régimes contre son peuple mais également contre les pays voisins notamment le Liban. Mais la realpolitik étant ce qu'elle est, le régime des Assad perdura. Pendant tout ce temps, les opposants pouvant former un gouvernement en exil étaient soit réduits au silence par le régime, soit complètement ignorés par l'Occident, jusqu'au jour où tout d'un coup l'Occident s'est rendu compte qu'il fallait une alternative au régime des Assad... Le problème, qui est toujours d'actualité, c'est qu'il n'y en a plus! Et voilà que « l'opposition » principalement sunnite de l'armée libre de Syrie essaye de prendre la relève aidée tout d'abord par des opposants sunnites irakiens. Rapidement, elle se trouve aux prises avec un problème nouveau, la naissance de plusieurs groupes fondamentalistes wahhabites, salafistes et takfiristes cherchant à instaurer un Califat islamique entre l'Irak et la Syrie sans égard à la cause juste de remplacer le dictateur de Damas. Or, le résultat fut autre. Voilà maintenant que les fondamentalistes principalement sous le commandement de ce qui est appelé État Islamique au Levant (EIL) ou DAECH en arabe, ouvre une boîte de pandore très dangereuse pour le monde entier.

Le jeu mesquin des monarchies du Golfe

Armé et financé par le Qatar et l'Arabie Saoudite pour renverser le régime syrien l'EIL est également mandaté de s'opposer à l'avancée de l'Iran et de son allié le Hezbollah libanais en Syrie mais aussi dans certains pays du Golfe où vit une minorité (dans certains cas représentant la majorité dans une région donnée) de Chiites.  Les pays du Golfe ont une réelle peur que ces derniers ne se révoltent et changent la donne dans leurs pays, comme ce fut le cas au Bahrein ou comme c'est toujours le cas au Yemen. Or, l'EIL s'est taillé une place à part et a pris pour cible tout ce qui n'était pas allié à sa vision du monde, réductrice, destructrice ramenant les peuples à l'âge de pierre ou presque.

Qu'on aime ou que l'on n'aime pas Assad, il n'en demeure pas moins que l'EIL ne peut être le régime de remplacement. Assad n'a pas détruit le patrimoine mondial, l'EIL l'a fait. Assad n'a pas massacré ses minorités, l'EIL l'a fait. Assad n'a pas délogé femmes et enfants de leurs maisons, l'EIL l'a fait. Certes, Hafez al-Assad, père de l'actuel président, a commis de nombreuses atrocités contre les Sunnites en Syrie dans les années 80 et contre les Chrétiens et Chiites et même contre les Palestiniens au Liban, mais cela s'est déroulé sous une sorte de bénédiction américaine et occidentale. Assad semble avoir utilisé les armes chimiques contre les Sunnites, mais l'EIL l'a également fait contre les innocents. Assad utilise les barils explosifs, l'EIL coupe les têtes en fait des productions « EILienne » pour faire peur aussi bien aux réticents musulmans et aux Occidentaux mais aussi est passé maître dans la propagande et le recrutement parmi nos jeunes partout en Occident! Et nous... nous observons bouche bée! Qui choisir entre le pire ou le moins pire? Or, la question n'est plus à ce stade!

Aujourd'hui, le danger réside dans la perspective d'absence totale de solution pour trouver un substitut à Assad en Syrie à un moment où Vladimir Puttin cherche par tous les moyens non à sauvegarder Assad puisqu'il le préfère sur d'autres, mais sauvegarder l'unique place stratégique restante pour la Russie au Proche et Moyen-Orient en Syrie où une base navale russe se trouve depuis quelques années à Tartouse sur la côte syrienne encore sous contrôle du régime.

La meilleure façon d'aider les réfugiés

Et les réfugiés? Il faut sans aucun doute compatir avec les réfugiés, mais il faut le faire chez eux et non pas les emmener en grands nombres ici. Il faut comprendre que les populations sunnites de ces pays sont restées traditionnelles et pauvres sous les Assad et l'EIL a recruté ses jeunes et continu de le faire. Les emmener en Occident créera un choc sérieux de civilisation dans la mesure où nos valeurs sont loin d'être compatibles avec l'Islam traditionnel. Il suffit de regarder le phénomène en France et l'incapacité de la France à intégrer ses immigrants alors qui étaient principalement venus pour aider à développer la croissance économique dans les années soixante et souvent ses immigrants musulmans s'étaient pourtant battus pour la France. Les descendants des Harkis, n'ont malheureusement pas réussi à s'y intégrer car rejetés par la population française qui les considérait comme immigrants et eux nés en France ne se considérant pas Français.
Il faut aider les réfugiés syriens dans un environnement qui les convient plus, en Turquie, au Liban et en Jordanie où ils se trouvent par millions. Les aider commence par créer des écoles pour permettre à ces jeunes de continuer leur éducation au lieu de faire d'eux des futures bombes humaines. Et puis, pourquoi ne pas obliger les pays arabes, tels l'Arabie Saoudite, le Qatar, les Émirats Arabes Unis et le Bahreïn à les accueillir? Aucun de ces pays ne participe réellement dans cet effort mais sont contents d'exporter les réfugiés et même parfois de payer pour eux pour se déplacer en Occident... pourquoi? Quel plan derrière cela? Ils sont pourtant de la même religion et leurs pays sont vastes et ils ont les moyens... pourquoi alors ne pas les aider en les accueillant tout près de chez eux? Puis le moment venu, une fois la solution à la crise syrienne trouvée, ils pourront retourner plus facilement chez eux? Par ailleurs, où sont passées les voix modérés des musulmans sunnites pour condamner les exactions de l'EIL contre principalement des musulmans?

Niqab ou valeurs démocratiques, il faut choisir

Pourquoi alors chercher à importer des graines d'une intégration difficile dans nos pays? Avons-nous la capacité de les pousser à adopter nos valeurs? Accepteraient-ils de délaisser les leurs qui ne sont pas tout-à-fait compatibles avec les nôtres? À un moment où l'histoire du Niqab ressurgit de nouveau, il est important de prendre cette question au sérieux car cela ne représente qu'un test ultime pour nos démocratie et nos valeurs. Saviez-vous qu'il est interdit de couvrir son visage sur les papiers officiels dans les pays les plus fondamentalistes? Et qui prends les photos dans ces pays pour les passeports? Certainement pas des femmes en burqa! Alors soyons un peu réaliste et laissons notre naïveté d'occidental de côté. Cette question n'a rien à faire avec la religion. Il s'agit avant tout d'un acte purement politique contre les valeurs occidentales. Alors pensons à défendre nos valeurs.

Alain-Michel Ayache

Spécialiste du Proche et Moyen-Orient