Friday, August 29, 2008

Trois scénarios pour l'avenir d'Israël


Le Droit
Actualités, vendredi, 29 août 2008, p. 19

À vous la parole

Trois scénarios pour l'avenir d'Israël

La décision du premier ministre israélien, Ehud Olmert, de démissionner, sonne le glas d'une courte ère aux conséquences néfastes pour l'image de marque d'Israël.

Depuis la "Seconde guerre du Liban" en juillet 2006 contre le Hezbollah et la victoire politique de ce dernier, Ehud Olmert s'est retrouvé dans le collimateur de la droite israélienne qui lui reproche non seulement d'avoir mal géré une guerre, mais d'avoir également et surtout affaibli l'image dissuasive d'un Israël fort dans un océan islamiste hostile à l'État hébreu. Cela est devenu plus grave encore suite au dernier échange de prisonniers avec le Hezbollah grâce à la médiation allemande. Un échange qui crédite plus "la victoire du Hezbollah" dans la rue arabe, mais qui en contrepartie revêt pour les Israéliens un visage humanitaire pour apporter une fin à la souffrance des parents des deux soldats israéliens enlevés par les miliciens du Hezbollah en 2006. Or, bien que l'ensemble de la classe politique israélienne se félicite du retour des corps des soldats, il n'en demeure pas moins que le charisme d'Olmert et son savoir-faire sont pointés du doigt par le Likoud. À cela s'ajoute la série de scandales qui touchent personnellement le premier ministre israélien. Tout cela ne pouvait que se terminer logiquement par la démission d'Ehud Olmert. Ce qui est chose faite.

Impact considérable

Ainsi, trois scénarios s'offrent actuellement aux Israéliens et qui auront certainement un impact considérable sur l'ensemble de la région du Proche et Moyen-Orient et sur l'avenir des pourparlers de paix entre Palestiniens et Israéliens.

1- Le Likoud élu : Un succès de Benjamin Nétanyahou donnera sans doute plus d'ailes à Tsahal et une remontée du moral des troupes car nul n'ignore le langage fort et direct du chef du Likoud qui oppose toute concession aux groupes "terroristes" ou aux ennemis d'Israël.

Cela se traduira notamment par une éventuelle attaque préventive contre les installations nucléaires iraniennes, si Téhéran persiste dans son programme nucléaire et ignore les demandes de l'Occident. Advenant une telle attaque, le résultat sera la montée encore plus grave des prix du pétrole et une crise économique sans précédent qui touchera l'Occident en entier sans parler des conséquences militaires des éventuelles représailles de parts et d'autres.

2- Les Travaillistes élus : Une telle possibilité rappellera sans aucun doute les déboires d'une politique israélienne "barakienne" qui n'a abouti depuis 2000 qu'à ternir l'image de marque de l'État hébreu et dont le retrait anticipé du Liban en mai 2000 - voulu par Barak pour des raisons purement de politique-politicienne israélienne - ne fera que donner plus d'incitatifs au Hamas et au Hezbollah de s'attaquer encore plus au processus de paix et aux Israéliens quitte à les pousser vers plus de concessions en vue d'une victoire finale contre eux.

3- Kadima réélu : Dans le cas de succès de Kadima, la tâche du remplaçant d'Olmert serait celle de regagner la confiance de la majorité de l'opinion publique israélienne tout en solidifiant de nouveau l'image de marque d'Israël. Bien entendu, le processus de paix avec les Palestiniens devrait trouver de nouveaux incitatifs et l'avenir des colonies dans la Cisjordanie clairement précisé pour éviter tout blocage de ce processus. Ce qui ne sera sans doute pas facile à faire dans un contexte aussi fragile dans lequel passe l'ensemble de la région.

Ces trois scénarios ne permettent tout de même pas de savoir si l'État hébreu réussira à relever le défi de résister à l'agresseur tout en cherchant en même temps à aboutir avec les pays arabes à une paix durable à travers notamment la création d'un État palestinien voisin, mais surtout avec une entente avec la Syrie. Dans ce dernier cas de nombreuses questions sont posées dont celles ayant trait à la position de Damas vis-à-vis du Hezbollah et de l'Iran, maintenant que le Hezbollah semble aux commandes du Liban.

Les mois à venir sont cruciaux aussi bien pour Israël, que pour la Syrie, l'Iran et le Liban. Une quelconque fausse décision politique pourrait enflammer la région et affecter les économies des plus grands... L'Occident ne sortira point nécessairement le grand gagnant et l'instabilité interne pourra le gangrener de l'intérieur dû au terrorisme latent...

Alain-Michel Ayache,
Département de science politique,
Université du Québec à Montréal

Illustration(s) :

Archives, La Presse
Ehud Olmert

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Numéro de document : news·20080829·LT·0025

Sunday, August 24, 2008

L'avenir d'Israël est en jeu



Le Droit
Forum, samedi, 23 août 2008, p. 25

L'avenir d'Israël est en jeu

"Chose promise, chose due !" Ce sont les paroles que le secrétaire général du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah a prononcées devant les dizaines de milliers de fidèles venus accueillir les prisonniers libanais libérés par Israël. Le Hezbollah sort ainsi grand gagnant de cette entente conclue avec Israël à travers le médiateur allemand. Cela est d'autant plus vrai que depuis mai 2000, date du retrait des troupes israéliennes du Sud Liban suite à la politique d'autruche décidée par Ehud Barak, la milice chiite pro-iranienne a remporté le premier volet d'une guerre de longue haleine contre l'État hébreu.Cette victoire est avant tout dans la rue arabe quelles que soient la religion et les affinités politiques que cette rue détienne.

Après la décision de démission du premier ministre israélien Ehouh Olmert, Sayyed Hassan Nasrallah confirme encore une fois sa position de "leader" incontesté de la rue arabe et musulmane tous azimuts.En effet, en s'affichant comme le parti qui a su mettre à genoux la plus puissante des armées de la région, le Hezbollah a d'un seul coup remonté le moral arabe et lui a donné une cause nouvelle et un espoir de reprendre la revanche sur un Occident colonialiste et impérialiste ; et par-dessus tout, de reprendre le combat contre l'Infidèle, le Croisé et plus tard le Mécréant qui avaient conquis la "Terre Sainte de l'Islam", Jérusalem.Mieux encore, la victoire politique sans contestation de la guerre de juillet 2006 a donné plus de poids à la stature de Sayyed Hassan Nasrallah. Ce dernier est devenu le porte-parole de la résistance islamique non seulement au Liban mais à travers le monde arabo-musulman où les peuples cherchent désespérément une figure historique qui leur rappelle l'apogée de l'Islam dans les siècles passés face à un Occident en perdition et dont la société n'a plus de valeurs au sens sociétal et familial du terme. Ainsi, Nasrallah devient l'exemple de la pureté de l'esprit musulman et de la lutte contre "l'Infidèle" et le "Sioniste".

Les signes de faiblesse

La décision d'Olmert de démissionner quelques jours seulement après avoir accepté de libérer les prisonniers libanais et palestiniens est le résultat direct d'une faiblesse sans contestation de cette politique "olmertienne". Ce qui pousse la rue arabe encore vers une quasi-adoration de Nasrallah pour ajouter "victoire" après "victoire" contre l'État hébreu.Or, à analyser de près la politique "olmertienne", l'on constate qu'elle est pour le moins dangereuse pour l'avenir même de l'État hébreu, aussi réaliste et "humanitaire" qu'elle ne paraisse aux yeux de l'actuel gouvernement israélien.Avec la montée en puissance d'un Hezbollah plus que jamais fort d'un appui populaire, non seulement chiite, mais sunnite dans certains cas (à Gaza et certains pays arabes) et chrétien dans d'autres (au Liban), rien ne garantit à Israël que les demandent et exigences du Hezbollah vont s'arrêter !

De plus, l'insistance du Hezbollah sur la l'identité libanaise des fermes de Chebaa malgré qu'elles aient été conquises par Israël de l'armée syrienne, fait en sorte que ce dossier demeure comme une épée de Damoclès pour Israël. Sans oublier, bien entendu, l'armement sophistiqué du Hezbollah et sa présence au nord de la frontière israélienne même si c'est interdit par le Conseil de sécurité des Nations unies.À cela s'ajoute un Iran plus fort que jamais et une politique américaine chancelante et en perdition dans la région, malgré une apparence de confrontation avec l'État perse.

Faible Israël

Ainsi, Israël n'a jamais paru aussi faible aux yeux de la rue arabe qui rêve maintenant de donner l'assaut final pour libérer Jérusalem et rendre à l'Islam son prestige d'antan. Mais alors comment faire pour mettre un terme à cette faiblesse ? La question se pose dans plus d'un cercle, aussi bien israélien qu'occidental. La réponse demeure toutefois insatisfaisante car les conséquences pourraient être graves non seulement pour Israël mais pour l'ensemble de la région voire de la planète.Trois scénarios sont plausibles et tous les trois passent par le remplacement d'Ehud Olmert à la tête du gouvernement israélien. Le premier se traduirait sans doute par l'arrivée au pouvoir de l'aile radicale d'Israël, représentée en partie par le Likoud et donc par Benjamin Nétanyahou. La seconde, serait que le parti Kadima demeure au pouvoir en substituant son chef par un autre dont le charisme fera en sorte de sauvegarder l'honneur. Le dernier cas de figure serait celui de l'arrivée des Travaillistes d'Ehud Barak à la tête du gouvernement.

Alain-Michel Ayache,
Département de science politique,
Université du Québec à Montréal
© 2008 Le Droit. Tous droits réservés.
Numéro de document : news·20080823·LT·0038

Thursday, August 21, 2008

Israël, l'avenir en jeu - la vision israélienne





Israël, l'avenir en jeu

La vision israélienne

Alain-
Michel Ayache

Il fallait s’y attendre, la décision du Premier ministre israélien, Ehud Olmert, de démissionner, sonne le glas d’une courte ère aux conséquences néfastes pour l’image de marque d’Israël.

En effet, depuis la « Seconde guerre du Liban » en juillet 2006 contre le Hezbollah et la victoire politique de ce dernier, Ehud Olmert s’est retrouvé dans le collimateur de la droite israélienne qui lui reproche non seulement d’avoir mal géré une guerre, mais d’avoir également et surtout affaibli l’image dissuasive d’un Israël fort dans un océan islamiste hostile à l’État hébreu. Cela est devenu plus grave encore suite au dernier échange de prisonniers avec le Hezbollah grâce à la médiation allemande. Un échange qui crédite plus « la victoire du Hezbollah » dans la rue arabe, mais qui en contrepartie revêt pour les Israéliens un visage humanitaire pour apporter une fin à la souffrance des parents des deux soldats israéliens enlevés par les miliciens du Hezbollah en 2006. Or, bien que l’ensemble de la classe politique israélienne se félicite du retour des corps des soldats, il n’en demeure pas moins que le charisme d’Olmert et son savoir-faire sont pointés du doigt par le Likoud. À cela s’ajoute la série de scandales qui touchent personnellement le Premier ministre israélien. Tout cela ne pouvait que se terminer logiquement par la démission d’Ehud Olmert. Ce qui est chose faite.

Ainsi, trois scénarios s’offrent actuellement aux Israéliens et qui auront certainement un impact considérable sur l’ensemble de la région du Proche et Moyen-Orient et sur l’avenir des pourparlers de paix entre Palestiniens et Israéliens.

1—Arrivée du Likoud au gouvernement

Un succès de Netanyahu donnera sans doute plus d’ailes à Tsahal et une remontée du moral des troupes car nul n’ignore le langage fort et direct du chef du Likoud qui oppose toute concession aux groupes « terroristes » ou aux ennemis d’Israël. Cela se traduira notamment par une éventuelle attaque préventive contre les installations nucléaires iraniennes, si Téhéran persiste dans son programme nucléaire et ignore les demandes de l’Occident. Advenant une telle attaque, le résultat sera la montée encore plus grave des prix du pétrole et une crise économique sans précédent qui touchera l’Occident en entier sans parler des conséquences militaires des éventuelles représailles de parts et d’autres.

2—Arrivée des Travaillistes au gouvernement

Une telle possibilité rappellera sans aucun doute les déboires d’une politique israélienne « barakienne » qui n’a aboutit depuis 2000 qu’à ternir l’image de marque de l’État hébreu et dont le retrait anticipé du Liban en mai 2000 – voulu par Barak pour des raisons purement de politique-politicienne israélienne – ne fera que donner plus d’incitatifs au Hamas et au Hezbollah de s’attaquer encore plus au processus de paix et aux Israéliens quitte à les pousser vers plus de concessions en vue d’une victoire finale contre eux.

3—Kadima qui réussit à garder le gouvernement

Dans le cas de succès de Kadima, la tâche du remplaçant d’Olmert serait celle de regagner la confiance de la majorité de l’opinion publique israélienne tout en solidifiant de nouveau l’image de marque d’Israël. Bien entendu, le processus de paix avec les Palestiniens devrait trouver de nouveaux incitatifs et l’avenir des colonies dans la Cisjordanie clairement précisé pour éviter tout blocage de ce processus. Ce qui ne sera sans doute pas facile à faire dans un contexte aussi fragile dans lequel passe l’ensemble de la région.

L’avenir d’Israël en jeu

Ainsi définis, ces trois scénarios ne permettent tout de même pas de savoir si l’État hébreu réussira à relever le défi de résister à l’agresseur tout en cherchant en même temps à aboutir avec les pays arabes à une paix durable à travers notamment la création d’un État palestinien voisin, mais surtout avec une entente avec la Syrie. Dans ce dernier cas de nombreuses questions sont posées dont celles ayant trait à la position de Damas vis-à-vis du Hezbollah et de l’Iran, maintenant que le Hezbollah semble aux commandes du Liban.

Quoi qu’il en soit, les mois à venir sont cruciaux aussi bien pour Israël, que pour la Syrie, l’Iran et le Liban. Une quelconque fausse décision politique pourrait enflammer la région et affecter les économies des plus grands… L’Occident ne sortira point nécessairement le grand gagnant et l’instabilité interne pourra le gangrener de l’intérieur dû au terrorisme latent...

Israël, l'avenir en jeu - la réaction arabe





Israël, l'avenir en jeu

La réaction arabe


Alain-Michel Ayache

Il y a quelques semaines, suite à l’accord conclut avec Israël par l'intermédiaire de la médiation allemande pour libérer les prisonniers libanais et palestiniens des prisons israéliennes en échange des corps des deux soldats israéliens, le Secrétaire général du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah, déclarait publiquement devant des dizaines de milliers de partisans « chose promise, chose due! »

Aujourd'hui, deux ans après sa « victoire divine », Nasrallah, s’adresse aux Libanais – et aux Arabes – sur la chaîne de télévision satellitaire du Hezbollah, Al-Manar. Dans son discours à la nation arabe de près de 70 minutes, il souligne les réalisations de son parti et critique à la fois Israël et les États-Unis. Il dépeint la guerre de 2006 comme le début de la fin du mythe israélien.

En effet, Nasrallah évoque cette guerre de 2006 comme étant derrière le licenciement d'un certain nombre de dirigeants militaires en Israël, ainsi que derrière l'effondrement du populaire Premier ministre Ehud Olmert, qui a dit aux Israéliens – comme Nasrallah le rapporte – qu'il « est mort dans la guerre au Liban, mais a été enterré au bout de deux ans, en raison des scandales de corruption ».

Nasrallah a critiqué le point de vue israélien qui croit que la raison de défaite dans cette guerre, était due au manque d'expérience, en particulier au sein de l’équipe dirigeante aussi bien politique que militaire. Il rappelle ironiquement à ceux qui accusent l’actuelle Administration israélienne et la blâment de la défaite de juillet 2006 (en particulier Ehud Barak), la première « défaite d'Israël et son retrait du Liban en 2000 ».

Un changement important dans le lexique états-unien

Par ailleurs, le Secrétaire général a souligné que les répercussions de cette guerre ainsi que la disparition de l'utilisation des termes « nouveau Moyen-Orient », qui a été annoncée par la secrétaire d'État américaine Condoleezza Rice, confirment que cette approche s'est effondrée et ses termes sont rendus obsolètes.

Il a en outre souligné que les pourparlers syro-israéliens en cours sont le résultat de ces conséquences, « car Israël a abandonné la politique de menaces et s’est tourné vers la politique de négociation ». De même, Nasrallah a évoqué « la confusion actuelle d'Israël vis-à-vis l’Iran, où « L’État hébreu est encore réticent à prendre des mesures concrètes s'il y a lieu d'attaquer l'Iran ou pas! »

La confirmation de son leadership

Ces déclarations soulignent la montée en puissance du Hezbollah depuis l’an 2000 à la suite de la triple « victoire » politique qu’il a marquées contre Israël, et qui sont le retrait rapide du Liban en Mai 2000, la guerre de 2006 et plus tard l’échange de prisonniers en 2008 qui poussent Israël à libérer un tueur d’enfant ainsi que des prisonniers de guerre du Hezbollah et d'autres prisonniers palestiniens.

Aujourd'hui, après la prise de Beyrouth de Mai 2008 par les combattants du Hezbollah et la formation d'un nouveau gouvernement libanais, où les ministres chiites et leurs alliés détiennent un droit de veto sur toutes les décisions du Cabinet, les voix qui osent s’élever pour demander l’élimination des armes du Hezbollah sont étouffées par la machine de guerre et de propagande de ce dernier. En effet, dans son discours télévisé, Nasrallah insiste sur le fait que les « armes de la résistance » sont sacrées et souligne que « les partis libanais ne doivent pas essayer de demander leur élimination, car cela serait jouer le jeu israélien, pour désarmer la résistance, alors que le territoire libanais reste encore occupé ».

Aujourd’hui, dans la langue du commun des mortels, cette « victoire » est unique. En effet, la rue arabe l’endosse quelle que soit la religion et les affinités politiques que cette rue détienne. D’ailleurs, la décision de démission du Premier Ministre israélien, Sayyed Hassan Nasrallah confirme encore une fois sa position de « leader » incontesté de la rue arabe et musulmane tous azimuts.

Une image plus solide que jamais

En effet, en s’affichant comme le parti qui a su mettre à genoux la plus puissante des armées de la région voire du monde, le Hezbollah a d’un seul coup remonté le moral de la rue arabe et lui a donné une cause nouvelle et un espoir de reprendre la revanche sur un Occident colonialiste et impérialiste; et par-dessus tout, de reprendre le combat contre l’Infidèle, le Croisé et plus tard le Mécréant qui avaient conquis la « Terre Sainte de l’Islam : Al-Quds » (Jérusalem). Mieux encore, la victoire politique sans contestation de la guerre de juillet 2006 a donné plus de poids à la stature du Secrétaire général du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah.

Ce dernier est devenu le porte-parole de la résistance islamique non seulement au Liban mais à travers le monde arabo-musulman où les peuples cherchent désespérément une figure historique qui leur rappelle les victoires passées de l’Islam et son apogée dans les siècles passés face à un Occident en perdition et dont la société n’a plus de valeurs au sens sociétal et familial du terme. Ainsi, Nasrallah devient l’exemple de la pureté de l’esprit musulman et de la lutte contre « l’Infidèle » et le « Sioniste ».

Les signes de faiblesse d’Olmert…

La décision d’Olmert de démissionner quelques jours seulement après avoir accepter de libérer les prisonniers libanais et palestiniens dont Samir Al-Kantar, accusé par Israël d’avoir commis un massacre en plein territoire israélien, est le résultat direct d’une faiblesse sans contestation de cette politique « olmertienne ». Ce qui pousse la rue arabe encore vers une quasi-adoration de Nasrallah pour ajouter « victoire » après « victoire » contre l’État hébreu.

Or, à analyser de près la politique « olmertienne », l’on constate qu’elle est pour le moins dangereuse pour l’avenir même de l’État hébreu, aussi réaliste et « humanitaire » qu’elle ne paraisse aux yeux de l’actuel gouvernement israélien. En effet, avec la montée en puissance d’un Hezbollah plus que jamais fort d’un appui populaire, non seulement chiite, mais sunnite dans certains cas (à Gaza et certains pays arabes) et chrétien dans d’autres (au Liban), notamment après la dernière crise interlibanaise, rien ne garantit à Israël que les demandent et exigences du Hezbollah vont s’arrêter!

De plus, l’insistance du Hezbollah sur la l’identité libanaise des fermes de Chebaa malgré qu’elles aient été conquises par Israël de l’armée syrienne, fait en sorte que ce dossier demeure comme une épée de Damoclès pour Israël. Sans oublier, bien entendu, l’armement sophistiqué du Hezbollah et sa présence au nord de la frontière israélienne malgré la présence de la FINUL censée interdire cela selon la résolution 1701 du Conseil de Sécurité des Nations Unies. À cela s’ajoute un Iran plus fort que jamais et une politique américaine chancelante et en perdition dans la région, malgré une apparence de confrontation avec l’État perse.

…Et le message capté par la rue arabe !

Ainsi, Israël n’a jamais paru aussi faible aux yeux de la rue arabe qui rêve maintenant de donner l’assaut final pour libérer « Al-Quds » et rendre à l’Islam son prestige d’antan. Mais alors comment faire pour mettre un terme à cette faiblesse? La question se pose dans plus d’un cercle, aussi bien israélien qu’occidental. La réponse demeure toutefois insatisfaisante car les conséquences pourraient être graves non seulement pour Israël mais pour l’ensemble de la région voire de la planète.

En effet, dans cette réponse trois scénarios sont plausibles et tous les trois passent par le remplacement d’Ehud Olmert à la tête du gouvernement israélien :

Le premier se traduirait sans doute par l’arrivée au pouvoir de l’aile radicale de la société israélienne, représentée en partie par le Likoud et donc par Benjamin Netanyahu. La seconde, serait que l’actuel parti au pouvoir, Kadima, reste au pouvoir en substituant son chef, donc en remplaçant Olmert par un autre dont le charisme fera en sorte de sauvegarder l’honneur du parti sans pour autant permettre aux plus radicaux de reprendre le dessus. Le dernier cas de figure serait celui de l’arrivée des Travaillistes au pouvoir et donc d’Ehud Barak à la tête du gouvernement.

Sunday, August 10, 2008

La visite du président syrien en Iran, Prélude à un rôle nouveau?

Le Devoir
IDÉES, samedi, 9 août 2008, p. b5

La visite du président syrien en Iran
Prélude à un rôle nouveau?

Alain-Michel Ayache

À priori, la récente visite du président syrien Bachar al-Assad en Iran s'inscrit dans le cadre d'un exercice diplomatique annuel que ce dernier s'est habitué à faire depuis l'accession au pouvoir du président iranien Mahmoud Ahmadinejad. Or le fait qu'elle ait eu lieu la fin de semaine où l'ultimatum occidental, pour que l'Iran accepte de se plier aux exigences de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), venait (du moins théoriquement) à échéance la rend particulière, et pour cause: la dernière rencontre entre Assad et le président français Nicolas Sarkozy semble avoir donné lieu à un accord tacite entre les deux hommes.

En effet, tout porte à croire que le président français aurait promis un retour de la diplomatie syrienne à la table des grands au Proche et au Moyen-Orient, en échange de bons offices et de concessions de la part de Damas. Ce qui s'était traduit quelques jours après la rencontre au sommet de Paris par l'acceptation de Damas, pour la première fois depuis son indépendance, d'établir des représentations diplomatiques avec le Liban, le reconnaissant enfin comme un pays souverain à part entière.

Le second geste de Damas fut de lancer un signe «encourageant» - selon les commentaires de certains diplomates occidentaux - à l'égard d'Israël pour rétablir le dialogue afin d'aboutir à une paix durable. De plus, l'annonce faite à Paris par le président Sarkozy qu'Assad aurait demandé à Paris et à Washington d'intercéder auprès de Tel-Aviv pour reprendre les négociations prouve que Damas semble avoir finalement réussi à briser le mur d'isolement que l'administration Bush avait mis en place après l'assassinat de l'ex-premier ministre libanais Rafic Hariri, le 14 février 2005.

D'autres signes viennent s'ajouter à l'importance du rôle que les Occidentaux semblent de plus en plus vouloir octroyer à la Syrie, dont la médiation turque avec Israël pour la reprise des négociations de paix entre les deux parties, mais également les déclarations à Washington du vice-premier ministre israélien, Shaul Mofaz, sur la nécessité pour Israël «de poursuivre ses pourparlers de paix avec la Syrie sous médiation turque et sans condition préalable», laissant du coup une large marge de manoeuvre aux Syriens! Tout cela souligne les changements sur lesquels Damas table pour reprendre un rôle régional qui lui est dû, selon des observateurs arabes. D'ailleurs, la montée récente du pouvoir chiite appuyé par l'Iran dans l'ensemble des pays du Golfe, mais surtout au Liban, rend le rôle syrien indispensable pour créer une zone tampon entre les diplomaties arabes et perse. En effet, le fait que la Syrie, pays de l'arabité, soit l'alliée inconditionnelle de l'Iran et le passage obligé des armes iraniennes vers les combattants du Hezbollah la positionne comme un élément majeur à prendre en considération dans la politique de rétablissement d'un certain équilibre régional brisé depuis l'invasion américaine de l'Irak en 2003.

Par ailleurs, nul n'ignore le rôle que Damas joue auprès des mouvements terroristes et des islamistes du Hamas, en Irak contre les troupes américaines, au Liban avec le Hezbollah et même mondialement à travers l'aide logistique apportée à des groupements révolutionnaires et autres. Or cela a fini par lui donner plus de poids dans la défense de son rôle vis-à-vis des grandes puissances en général et de la France en particulier. Le résultat semble encourageant pour le président syrien, d'autant plus que le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a annoncé il y a quelques semaines que le financement pour le tribunal international censé se pencher sur l'assassinat de l'ex-premier ministre libanais Hariri, duquel Damas est accusé, était limité dans le temps. En d'autres termes, le tribunal risque de ne pas voir le jour pour condamner les responsables syriens de l'assassinat ou, s'il est mis en place, sa «vie» ne sera que de quelques mois, deux ans au maximum! Ce qui fait dire à certains qu'une entente secrète aurait été conclue avec Damas pour lui donner encore du temps afin de prouver «sa bonne foi» en poussant son allié iranien à mettre son programme nucléaire aux oubliettes.

Ainsi, la dernière visite d'Assad en Iran ne serait, en principe, qu'un message occidental à livrer via la Syrie pour que Téhéran laisse l'option nucléaire de côté. Or cette politique de l'autruche que l'Occident semble de nouveau suivre ne fait que retarder une échéance certaine, celle qui mènera sans aucun doute la région dans son ensemble vers une guerre sans merci. Un affrontement qui finira par englober la planète en entier, car nul n'ignore l'importance stratégique des ressources naturelles de cette région et leurs effets sur les économies des grandes puissances en particulier. Ce qui fait dire à beaucoup que l'Iran ne changera rien dans sa politique actuelle, attendant les prochaines élections américaine et israélienne. Pour l'instant, toutes les tergiversations font gagner du temps à Téhéran et permettent à Damas de récupérer une place (de choix?!) sur la scène internationale. Dans les deux cas, «l'Axe du mal» semble le grand gagnant, du moins jusqu'à présent!

Alain-Michel Ayache : Spécialiste du Proche-Orient et du Moyen-Orient au département de science politique de l'UQAM©2008 Le Devoir. Tous droits réservés.
Numéro de document : news·20080809·LE·200870


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Thursday, August 7, 2008

L'humanitaire versus le terrorisme





L'humanitaire versus le terrorisme


Alain-Michel Ayache

Deux ans après, presque jour pour jour, le Hezbollah remet les corps des deux soldats israéliens qu'il avait kidnappés lors de son attaque par delà la ligne bleue, en territoire israélien. Une attaque qui avait été à l'origine de la « seconde guerre du Liban » de juillet 2006.

Aujourd'hui, les tractations entre le Hezbollah et Israël à travers la médiation allemande, a permis aux Israéliens de rapatrier enfin ces deux corps, en échange d'un grand gain pour le Hezbollah.

La « victoire » du Hezbollah

Pour la rue arabe en général et pour les Libanais en particulier, notamment les prosyriens, cet échange représente la plus grande victoire jusqu'à là achevée par une « résistance musulmane ». Et pour cause. Lors des 33 jours de combats entre le Hezbollah et Tsahal, Jerusalem cherchait à maintenir son image de force de dissuasion pour l'ensemble de ses ennemis. Or, voilà qu'une milice chiite, forte de quelques milliers de combattants, réussit à résister au mythe de l'armée la plus forte de la région, voire l'une des meilleures au monde.

Bien que le prix ait été lourd du côté du Hezbollah, même si officiellement ses chefs nient la perte de plusieurs centaines des leurs parmi les 1200 Libanais tués durant ces affrontement de 2006, et malgré que le Hezbollah n'ait pas réussi durant ces affrontements à interdire l'accès de Tsahal au territoire libanais comme il l'avait à maintes reprises annoncé à ses fidèles, il n'en demeure pas moins qu'Israël a échoué d'atteindre ses objectifs dont le premier, celui de libérer les deux soldats kidnappés. Quant aux armements du Hezbollah, il s'est reconstitué d'une manière encore plus rapide et plus efficace, et ce, même avec la présence de la FINUL censée l'interdire!

Nasrallah, « le héros de l'Islam »

En soi, le fait d'avoir réussi à bloquer les plans d'Israël, mais également à détruire un nombre considérable de ses chars d'assaut qui faisaient la terreur des pays arabes, était une grande victoire pour le Hezbollah au niveau de la rue arabe. De plus, l'image de marque de l'armée indestructible d'Israël avait fini par succomber à la détermination suicidaire des combattants du « Parti de dieu ».

Cela avait largement contribué à la popularité du Hezbollah et de son Secrétaire général Sayyed Hassan Nasrallah. On a vu en lui, le « sauveur » et le « véritable héros » que les leaders arabes n'avaient pas réussi depuis 60 ans à se donner ! Par ailleurs, fort d'une confiance en ses capacités et ses hommes, Sayyed Hassan Nasrallah cherchait à prouver au monde entier et au monde arabe et musulman en particulier, qu'il était un homme de parole. Il leur avait promis la libération des « otages » libanais en Israël, ces prisonniers de guerre qu'Israël avait capturés durant les actions terroristes contre son territoire ou lors de la « Seconde guerre du Liban ». Aujourd'hui, il vient de prouver qu'il respectait sa parole et qu'il agissait en conséquence, ce qui lui vaut du coup une image encore plus solide d' « l'homme intègre » et de « l'héros de l'Islam »…

« Chose promise, chose due ! »

Le fait d'avoir réussi à obliger en quelque sorte Israël à libérer l'ensemble des détenus libanais et de rendre les corps de plusieurs dizaines de combattants arabes et libanais tués durant les nombreux affrontements que vit cette région du monde, est considéré comme un autre coup de massue contre Olmert! Car, Nasrallah avait à maintes reprises déclaré que sa milice resterait armée jusqu'à ce que le dernier otage libanais soit libéré des prisons israéliennes, mais également que les Fermes de Chebaa le soient de même.

En d'autres termes, cela voudrait dire que les armes du Hezbollah demeureront présentes tant et aussi longtemps que ces fermes n'auront pas été remises au Liban, alors qu'officiellement, selon les Nations Unies, la résolution du Conseil de Sécurité 425 qui concernait le retrait de l'occupation du territoire libanais par Tsahal avait été accompli en mai 2000 lors du retrait officiel du dernier soldat israélien. Ce que le Hezbollah refuse de reconnaître tant que ces fermes sont encore occupées, alors qu'en réalité elles l'ont été par Israël durant la guerre de 67 après avoir chassé l'armée syrienne qui s'y trouvait!

Le geste d'Israël et ses répercussions

Pour de nombreux observateurs, Israël ne pouvait plus ignorer son opinion publique et notamment les appels des familles de ces deux soldats. Pour un pays démocratique comme Israël, le gouvernement n'avait plus le choix que d'accepter les demandes des familles et de s'incliner en quelque sorte devant l'humanitaire, en mettant de côté le militaire.

Or, ce geste, s'il est considéré par la majorité de la population comme étant noble et une continuité dans la tradition juive israélienne de ne point laisser derrière, des corps des siens ou des prisonniers de guerre, il n'en demeure pas moins que cela est interprété comme un précédent dangereux par plusieurs. En effet, le fait qu'Israël s'incline devant les demandes du Hezbollah constitue une première car un message erroné serait envoyé du coup à l'ensemble des ennemis de l'État hébreu pour les encourager à entreprendre des actions similaires sachant qu'Israël finira par privilégier l'humanitaire sur le militaire! Cela pourrait affecter la libération du soldat Guilad Shalit actuellement détenu par le Hamas depuis également 2006, juste avant la Seconde guerre du Liban. L'échange ne pourrait être qu'encourageant pour le Hamas et l'inciter à monter les enchères encore plus, dans l'espoir d'augmenter ses gains à l'Instar du Hezbollah…

Ainsi, la libération a sans aucun doute apporté un prestige sans précédant au Hezbollah, ce qui consolide encore plus son pouvoir au Liban, notamment après son succès militaro-politique face au gouvernement pro-occidental…

La question principale sera alors celle de savoir si l'Occident et Israël se voient désormais forcés d'adopter une Realpolitik vis-à-vis du Hezbollah, de la Syrie et de l'Iran faute d'alternatives viables, et ce, pour éviter toute escalade militaire dans la région sur un fond de crise économique sans précédant aux États-Unis!