Thursday, May 29, 2008

Liban : Les défis du nouveau Président





Liban : Les défis du nouveau Président

Alain-Michel Ayache


118 votes pour contre 9 abstentions. C’est le total de voix que le Commandant en chef de l’armée libanaise, le général Michel Suleiman eut pour devenir le douzième Président de la République libanaise depuis l’indépendance.

Cette élection pour la forme vient confirmer l’entente entre les différents belligérants libanais qui a eu lieu à Doha à Qatar sous les auspices de l’Émir de ce petit pays du Golfe. En soi, cette percée politico-diplomatique du Qatar est une première dans la région, puisqu’elle vient supplanter celles traditionnelles de l’Égypte, de l’Arabie Saoudite, mais également de la Syrie. En effet, en prenant à sa charge la réconciliation entre les différentes parties libanaises, Doha vient de présenter un visage neutre dans la région et une nouvelle ère pour la diplomatie arabe, loin des bras de fer interarabes habituels.

Une Charge lourde …

Quant au nouveau Président libanais, la charge est lourde et pleine de défis, notamment en ce qui a trait à la relation avec le Hezbollah et l’avenir de son armement. D’ailleurs, lors de son discours juste après son élection au Parlement, le Président Michel Sleiman n’a pas hésité à souligner l’importance du rôle de « la résistance » contre « l’ennemi israélien » et le succès de la « libération » du Liban que cette dernière « avait accompli » avec la bénédiction et l’appui de l’État libanais et de son armée. Sleiman a également noté l’importance de cet armement et la nécessité de le garder dirigé contre l’ennemi et non vers d’autres Libanais. Une allusion aux derniers événements meurtriers qui avaient fait plus de 80 morts et plus d’une centaine de blessés entre les pro-occidentaux et les prosyriens.

À cela et parmi une pléthore de messages de réconciliation et de demandes de dialogue continue entre tous les Libanais, Sleiman n’a pas hésité à lancer une fléchette contre Damas en parlant de la nécessité de l’établissement de relations diplomatiques entre la Syrie et le Liban. Une telle représentation mettra fin à la position syrienne depuis son indépendance, que le Liban était partie intégrante de la « Grande Syrie ». Elle permettra ainsi à Damas de reconnaître enfin la pleine souveraineté du « Pays des Cèdres ».

Or, Damas ne semble pas encore chaude à cette idée, puisqu’à la différence du ministre iranien des affaires étrangères qui assistait à l’élection de Sleiman à l’hémicycle et qui avait applaudit avec enthousiasme cette phrase, le ministre syrien, lui, était resté bras croisé, le visage raide !

Diviser pour affaiblir !

Bien que cela ne constitue pas en soi un signe de division entre Damas et Téhéran autour de la politique régionale, il n’en demeure pas moins que de plus en plus de signes parviennent d’ici et d’ailleurs sur un début de différend quant à la stratégie régionale entre ces deux alliés anti-américain.

En effet, pour de nombreux analystes aussi bien arabes qu’occidentaux, l’assassinat du chef de guerre du Hezbollah à Damas, le terroriste le plus recherché par Washington, Imad Moghnié, aurait été perpétré par les services secrets d’un pays arabe – certains parlent de la Jordanie – avec la bénédiction de ceux de Damas. Cet assassinat aurait été un « cadeau de bonne foi » offert par Damas aux Israéliens mais surtout aux Américains pour briser la glace entre la Syrie et les États-Unis, mais également pour envoyer un signe à Tel-Aviv pour une reprise des négociations.

À ces analyses, d’autres ajoutent que les dernières révélations sur les pourparlers secrets entre Damas et Tel-Aviv confirment la volonté des États-Unis de vouloir briser cette alliance syro-iranienne pour mieux isoler Téhéran. Le Hezbollah perdrait alors cette logistique iranienne qui lui parvenait via la Syrie. Ce qui permettrait ainsi son isolement et sa destruction dans un éventuel conflit à venir.

Le rôle régional du Hezbollah

Or, voilà que le lundi 26 mai, le Secrétaire Général du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah, monte aux barricades avec un discours des plus forts et des plus guerriers tant sur les plans politique, social que militaire. Cette flambée de paroles de défis survient le lendemain du huitième anniversaire du « succès » du Hezbollah dans la « libération » du Sud du Liban en mai 2000.

Or, maîtrisant la rhétorique guerrière, Nasrallah n’hésite pas de rappeler les « sacrifices de la résistance » et son « succès face à l’ennemi sioniste », mais également sa détermination de continuer jusqu’au bout. Il précise par ailleurs, que ses troupes « sont prêtes à se battre dans n’importe quelle prochaine éventuelle guerre » faisant ainsi illusion à une attaque américaine ou israélienne contre l’Iran.

Par ailleurs, Nasrallah précise nommément les situations aussi bien à Gaza qu’en Irak et fait appel aux uns et aux autres pour reprendre l’exemple de la résistance du Hezbollah afin d’éviter que Gaza « ne tombe dans les mains des Sionistes » et que l’Irak « ne soit pas livré aux Américains et à leurs plan de contrôle de ses ressources naturelles ». En fait, Nasrallah se positionne sur l’échiquier politique régional comme acteur incontournable et une variable à prendre en considération pour toute stratégie régionale. Par ailleurs, il précise le retour des prisonniers libanais en Israël dans un futur proche, comme si des tractations secrètes via l’Allemagne auraient abouti avec les Israéliens! Ce qui lui octroie aux yeux de la rue arabe en général et libanaise en particulier, une stature de leader qui respecte sa parole et soulève et réussit les défis.

Le défi majeur du Président

D’où la question principale qui se pose au nouveau Président libanais, celle de savoir s’il sera capable de mettre un terme aux armes du Hezbollah et s’il réussira à prendre le contrôle de la décision politique libanaise en ce qui a trait tant à la gestion interne du pays que celle de la guerre contre un quelconque « ennemi ». Or, d’ores et déjà. Nasrallah précise haut et fort que les armes du Hezbollah ne seront pas dirigées vers d’autres Libanais, mais que les armes de l’État libanais, donc de ses forces de sécurité intérieures et de l’armée ne doivent pas non plus être dirigées contre le Hezbollah ou de servir pour le combattre.

Des paroles, qui laissent présager que le Hezbollah ne rendrait jamais ses armes. D’ailleurs, à analyser de plus près, l’on pourrait voir clairement la détermination du Hezbollah de mener sa « résistance » par delà la frontière libanaise en encourageant le Hamas et les Chiites de l’Irak à se battre contre les « occupant ». Et pour leur rappeler l’appui de la « résistance » à leur « combat », la machine de la propagande du Hezbollah n’hésite pas à afficher la date de mai 1948 et celle de mai 2008, comme pour dire que la « Nakba » (Catastrophe) palestinienne pouvait se transformer en victoire à l’instar de ce qui s’était passé au Liban en 2000 et 2006.

Tuesday, May 27, 2008

Liban : Les défis du nouveau président !

Le mardi 27 mai 2008

LE SOLEIL - POINT DE VUE

Liban : Les défis du nouveau président !

par Alain-Michel Ayache
Spécialiste du Proche et Moyen-Orient
Département de Science politique
Université du Québec à Montréal

118 votes en faveur contre neuf abstentions. C'est le total de voix que le commandant en chef de l'armée libanaise, le général Michel Sleiman a obtenu pour devenir le douzième président de la République libanaise depuis l'indépendance.

Cette élection pour la forme vient confirmer l'entente entre les différents belligérants libanais qui a eu lieu à Doha à Qatar, sous les auspices de l'émir de ce petit pays du Golfe. En soi, cette percée politico-diplomatique du Qatar est une première dans la région, puisqu'elle vient supplanter celles traditionnelles de l'Égypte, de l'Arabie Saoudite, mais également de la Syrie. En prenant ainsi à sa charge la réconciliation entre les différentes parties libanaises, Doha vient présenter un visage neutre dans la région et une nouvelle ère pour la diplomatie arabe, loin des bras de fer interarabes habituels.

Une charge lourde

Quant au nouveau président libanais, la charge est lourde et pleine de défis, notamment en ce qui a trait à la relation avec le Hezbollah et à l'avenir de son armement. D'ailleurs, lors de son discours juste après son élection au Parlement, le président Michel Sleiman n'a pas hésité à souligner l'importance du rôle de «la résistance» contre «l'ennemi israélien» et le succès de la «libération» du Liban que cette dernière «avait accompli» avec la bénédiction et l'appui de l'État libanais et de son armée. Sleiman a également noté l'importance de cet armement et la nécessité de le garder dirigé contre l'ennemi et non vers d'autres Libanais. Une allusion aux derniers événements meurtriers qui avaient fait plus de 80 morts et plus d'une centaine de blessés entre les pro-occidentaux et les pro-syriens.

À cela et parmi une pléthore de messages de réconciliation et de demandes de dialogue continue entre tous les Libanais, Sleiman n'a pas hésité à lancer une fléchette contre Damas en parlant de la nécessité de l'établissement de relations diplomatiques entre la Syrie et le Liban. Une telle représentation mettra fin à la position syrienne depuis son indépendance, que le Liban était partie intégrante de la «Grande Syrie». Elle permettra ainsi à Damas de reconnaître enfin la pleine souveraineté du Pays des Cèdres. Or, Damas ne semble pas encore chaude à cette idée, puisqu'à la différence du ministre iranien des Affaires étrangères qui assistait à l'élection de Sleiman à l'hémicycle et qui avait applaudi avec enthousiasme cette phrase, le ministre syrien, lui, était resté bras croisés, le visage raide!

Diviser pour affaiblir !

Bien que cela ne constitue pas en soi un signe de division entre Damas et Téhéran autour de la politique régionale, il n'en demeure pas moins que de plus en plus de signes parviennent d'ici et d'ailleurs sur un début de différend quant à la stratégie régionale entre ces deux alliés anti-américains.

En effet, pour de nombreux analystes aussi bien arabes qu'occidentaux, l'assassinat du chef de guerre du Hezbollah à Damas — le terroriste le plus recherché par Washington, Imad Moghnié — aurait été perpétré par les services secrets d'un pays arabe — certains parlent de la Jordanie — avec la bénédiction de ceux de Damas. Cet assassinat aurait été un «cadeau de bonne foi» offert par Damas aux Israéliens, mais surtout aux Américains pour briser la glace entre la Syrie et les États-Unis, mais également pour envoyer un signe à Tel-Aviv pour une reprise des négociations. À ces analyses, d'autres ajoutent que les dernières révélations sur les pourparlers secrets entre Damas et Tel-Aviv confirment la volonté des États-Unis de vouloir briser cette alliance syro-iranienne pour mieux isoler Téhéran. Le Hezbollah perdrait alors cette logistique iranienne qui lui parvenait via la Syrie. Ce qui permettrait ainsi son isolement et sa destruction dans un éventuel conflit à venir.

Le rôle du Hezbollah

Or, voilà que le lundi 26 mai, le Secrétaire général du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah, monte aux barricades avec un discours des plus forts et des plus guerriers tant sur les plans politique, social que militaire. Cette flambée de paroles de défi survient le lendemain du huitième anniversaire du «succès» du Hezbollah dans la «libération» du Sud du Liban en mai 2000. Or, maîtrisant la rhétorique guerrière, Nasrallah n'hésite pas de rappeler les «sacrifices de la résistance» et son «succès face à l'ennemi sioniste», mais également sa détermination de continuer jusqu'au bout. Il précise que ses troupes «sont prêtes à se battre dans n'importe quelle prochaine éventuelle guerre» faisant ainsi allusion à une attaque américaine ou israélienne contre l'Iran. En outre, Nasrallah cite nommément les situations aussi bien à Gaza que de l'Irak, et fait appel aux uns et aux autres pour reprendre l'exemple de la résistance du Hezbollah afin d'éviter que Gaza «ne tombe dans les mains des Sionistes» et que l'Irak «ne soit pas livré aux Américains et à leurs plan de contrôle de ses ressources naturelles».

En fait, Nasrallah se positionne sur l'échiquier politique régional comme acteur incontournable et comme une variable à prendre en considération pour toute stratégie régionale. Par ailleurs, il précise le retour des prisonniers libanais en Israël dans un futur proche, comme si des tractations secrètes via l'Allemagne auraient abouti avec les Israéliens! Ce qui lui octroie aux yeux de la rue arabe en général et libanaise en particulier, une stature de leader qui respecte sa parole, soulève et réussit les défis.

Le défi majeur du président

D'où la question principale qui se pose au nouveau président libanais, celle de savoir s'il sera capable de mettre un terme à la crise des armes du Hezbollah et s'il réussira à prendre le contrôle de la décision politique libanaise en ce qui a trait, tant à la gestion interne du pays que celle de la guerre contre un quelconque «ennemi». Or, d'ores et déjà, Nasrallah précise haut et fort que les armes du Hezbollah ne seront pas dirigées vers d'autres Libanais, mais que les armes de l'État libanais, donc de ses forces de sécurité intérieures et de l'armée ne doivent pas non plus être dirigées contre le Hezbollah ou de servir pour le combattre. Des paroles, qui laissent présager que le Hezbollah ne rendrait jamais ses armes.

D'ailleurs, on peut clairement discerner la détermination du Hezbollah de mener sa «résistance» par delà la frontière libanaise en encourageant le Hamas et les Chiites de l'Irak à se battre contre les «occupants». Et pour leur rappeler l'appui de la «résistance» à leur «combat», la machine de la propagande du Hezbollah n'hésite pas à afficher la date de mai 1948 et celle de mai 2008, comme pour dire que la «Nakba» (Catastrophe) palestinienne pouvait se transformer en victoire à l'instar de ce qui s'était passé au Liban en 2000 et 2006.

Thursday, May 15, 2008

Liban : Requiem pour une souveraineté perdue





Liban : Requiem pour une souveraineté perdue


Alain-Michel Ayache

Il n’a pas fallu plus de quelques jours que le Hezbollah, la milice chiite Amal aidée par les miliciens pro-syrien du Parti social nationaliste syrien (PSNS)—qui ne reconnaît pas l’indépendance et la souveraineté du Liban et le considère comme partie intégrante de la Syrie—contrôlent les rues de Beyrouth ouest mettant ainsi un terme à la souveraineté libanaise, du moins sur cette partie de la capitale.

Le tout a commencé quand le gouvernement a voulu mettre un terme au réseau de télécommunications, installé par le Hezbollah depuis quelques années et qui a servi efficacement durant les événements de l’été 2006 face aux forces israéliennes. Ce réseau représente en fait pour le Hezbollah un nerf de guerre assez crucial et lui garantit une certaine sécurité de transmission de ses informations tant au niveau interne qu’externe. De plus, ce réseau couvre non seulement Beyrouth, mais toutes les régions où le Hezbollah se trouvait à travers le Liban, et compte presque un million de lignes téléphoniques.

À cela s’ajoute le limogeage d’un allié du Hezbollah, un brigadier général responsable de la sécurité de l’aéroport du Liban qui a permis au Hezbollah l’installation de caméras dans des lieux sensibles de l’aéroport et dont leur enlèvement souhaité par le gouvernement mettrait « en danger » les activités du « Parti de Dieu ».

Assez ! Le Hezbollah « réagit »!

En tentant de prendre le contrôle de ce réseau sur fonds d’accusations politiques dans le bras de fer persistant depuis plus de 17 mois entre le gouvernement libanais pro-occidental et l’opposition pro-syrienne, cette dernière a décidé d’aller de l’avant et mettre un terme à ce que le Secrétaire général du Hezbollah avait à maintes reprises qualifié de « patience ».

Aujourd’hui, après le début des hostilités entre chiites et sunnites, le Hezbollah et ses alliés semblent avoir pris le contrôle de la situation dans une sorte de « coup d’État » qui devient chaque heure on ne peut plus clair. D’ailleurs, les combats s’étendent chaque minute vers d’autres régions du pays notamment dans la Montagne du Chouf et dans le Sud, et ce, dans l’espoir de briser les forces du chef druze Walid Joumblatt et celles du leader de la majorité, Saad Hariri, fils de l’ex-premier ministre assassiné en 2005, Rafic Hariri.

Le premier étant physiquement menacé par le Hezbollah et surtout par Damas pour ses nombreuses accusations directes à l’encontre aussi bien du président syrien Bachar Assad que du Secrétaire général du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah. Dimanche soir, le Liban comptait plus d’une quarantaine de morts et plusieurs centaines de blessés avec toujours la route de l’aéroport de Beyrouth fermée par les éléments du Hezbollah et de leurs alliés. Pis, les médias proche du courant « Future » de Hariri ont été détruits par les miliciens du Hezbollah et de leurs alliés et les éléments du PSNS n’ont pas manqué d’accrocher les photos du Président syrien comme pour envoyer un message clair au gouvernement.

Une action prévisible…

Cette percée du Hezbollah, bien que militairement prévisible depuis quelques mois, vient rappeler aux Libanais que rien ne se passe au Liban encore sans l’aval de Damas. En effet, depuis le retrait humiliant des troupes d’occupation de Damas du Liban en 2005 suite à la « Révolution des Cèdres », le régime syrien a multiplié ses actions contre le Liban à travers ses alliés libanais. Les nombreux assassinats de députés, de journalistes et d’activistes libanais anti-syriens ne sont qu’une partie de la politique d’intimidation que le régime de Damas a imposée aux Libanais pour se venger de son humiliation de 2005.

De plus, s’est ajouté le blocus des institutions du « Pays des Cèdres » et surtout l’économie et le tourisme du pays depuis 2006 au profit de Damas. D’ailleurs, il suffit de voir les résultats économiques et touristiques de Damas à chaque été en constante croissance alors qu’en comparaison avec le Liban, la faillite est totale à cause notamment de la situation politique instable. Cette dernière demeure otage de la politique de blocage de tout dialogue entre les belligérants libanais en vue de trouver un Président de la République.

En effet, plus de 18 tentatives pour nommer (« élire » officiellement) un successeur au Président sortant allié de Damas, le général Émile Lahoud, se sont heurtées à une impasse politique paralysant de fait les institutions du pays et largement affectant son économie et son tourisme.

Le retour en force de la Syrie sur la scène libanaise

Cette prise de contrôle du Liban par le Hezbollah et ses alliés vient consolider la présence chiite régionale face à l’Arabie Saoudite et l’Égypte (sunnites) qui, pour des décennies, représentaient la décision dite arabe. Elle vient également redonner à la Syrie une nouvelle tribune pour monnayer sa politique régionale et regagner sa place sur l’échiquier du Proche et Moyen-Orient face à une Arabie Saoudite perçue comme plus arrogante que jamais avec sa puissance monétaire et sa manne pétrolière.

Aujourd’hui, pour de nombreux analystes, Damas semble vouloir de nouveau contrôler le Liban pour avoir entre ses mains une carte plus solide advenant son arrivée à la table de négociation avec Israël. D’ailleurs les signes en provenance de Washington indiquent de plus en plus que la variable damascène est remise à l’ordre du jour sur l’agenda des tractations secrètes américaines justifiant le proverbe disant qu’il « est dangereux d’être les amis des Etats-Unis, mais qu’il est mortel d’être leurs amis. »

Or, d’ores et déjà, Washington bien qu’il ait condamné l’action du Hezbollah n’a pas manqué de considérer que cette opération « militaire » du Hezbollah, ne pouvait pas être considérée comme un « coup d’État », tel que annoncé par le Premier ministre Fouad Saniora, mais plus comme un problème politique interne libanais. Ce qui pour le moins a fait perdre le Nord au gouvernement libanais! Et même si l’armée libanaise semble ne pas intervenir et prend possession des emplacements et des endroits que le Hezbollah lui remet en retirant ses troupes de Beyrouth, les autres régions éloignées de la capitale libanaise elles, se sont enflammées et l’arrêt des combats ne semble pas pour demain !

Friday, May 9, 2008

Liban: Requiem pour une souveraineté perdue!

Le vendredi 09 mai 2008

LE SOLEIL - ANALYSE

Liban : Requiem pour une souveraineté perdue!

Alain-Michel Ayache
Spécialiste du Proche et Moyen-Orient*

Il n'a pas fallu plus de 24 heures pour que le Hezbollah, la milice chiite Amal aidée par les miliciens pro-syrien du Parti social nationaliste syrien (PSNS) — qui ne reconnaît pas l'indépendance et la souveraineté du Liban et le considère comme partie intégrante de la Syrie — contrôlent les rues de Beyrouth ouest mettant ainsi un terme à la souveraineté libanaise, du moins sur cette partie de la capitale.

Le tout a commencé quand le gouvernement a voulu mettre un terme au réseau de télécommunications, installé par le Hezbollah depuis quelques années et qui a servi efficacement durant les événements de l'été 2006 face aux forces israéliennes. Ce réseau représente en fait pour le Hezbollah un nerf de guerre assez crucial et lui garantit une certaine sécurité de transmission de ses informations tant au niveau interne qu'externe.

De plus, ce réseau couvre non seulement Beyrouth, mais toutes les régions où le Hezbollah se trouvait à travers le Liban, et compte presque un million de lignes téléphoniques. À cela s'ajoute le limogeage d'un allié du Hezbollah, un brigadier général de la sûreté générale de l'aéroport du Liban et l'installation de caméras dans des lieux sensibles de l'aéroport qui mettaient «en danger» les activités du Hezbollah.

Assez ! Le Hezbollah «réagit» !

En tentant de prendre le contrôle de ce réseau sur fonds d'accusations politiques dans le bras de fer persistant depuis plus de 17 mois entre le gouvernement libanais pro-occidental et l'opposition pro-syrienne, cette dernière a décidé d'aller de l'avant et mettre un terme à ce que le Secrétaire général du Hezbollah avait à maintes reprises qualifié de «patience».

Aujourd'hui presque 24 heures après le début des hostilités entre chiites et sunnites, le Hezbollah et ses alliés semblent avoir pris le contrôle de la situation dans une sorte de «coup d'État» qui devient chaque heure on ne peut plus clair. D'ailleurs, les combats s'étendent chaque minute vers d'autres régions du pays notamment dans la Montagne du Chouf et dans le Sud, et ce, dans l'espoir de briser les forces du chef druze Walid Joumblatt et celles du leader de la majorité, Saad Hariri, fils de l'ex-premier ministre assassiné en 2005, Rafic Hariri. Le premier étant physiquement menacé par le Hezbollah et surtout par Damas pour ses nombreuses accusations directes à l'encontre aussi bien du président syrien Bachar Assad que du Secrétaire général du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah.

Une action prévisible…

Cette percée du Hezbollah, bien que militairement prévisible depuis quelques mois, vient rappeler aux Libanais que rien ne se passe au Liban encore sans l'aval de Damas. En effet, depuis le retrait humiliant des troupes d'occupation de Damas du Liban en 2005 suite à la «Révolution des Cèdres», le régime syrien a multiplié ses actions contre le Liban à travers ses alliés libanais. Les nombreux assassinats de députés, de journalistes et d'activistes libanais anti-syriens ne sont qu'une partie de la politique d'intimidation que le régime de Damas a imposée aux Libanais pour se venger de son humiliation de 2005.

De plus, s'est ajouté le blocus des institutions du «Pays des Cèdres» et surtout l'économie et le tourisme du pays depuis 2006 au profit de Damas. D'ailleurs, il suffit de voir les résultats économiques et touristiques de Damas à chaque été en constante croissance alors qu'en comparaison avec le Liban, la faillite est totale à cause notamment de la situation politique instable. Cette dernière demeure otage de la politique de blocage de tout dialogue entre les belligérants libanais en vue de trouver un Président de la République. En effet, plus de 18 tentatives pour nommer («élire» officiellement) un successeur au Président sortant allié de Damas, le général Émile Lahoud, se sont heurtées à une impasse politique paralysant de fait les institutions du pays et largement affectant son économie et son tourisme.

Le retour en force de la Syrie sur la scène libanaise

Cette prise de contrôle du Liban par le Hezbollah et ses alliés vient consolider la présence chiite régionale face à l'Arabie Saoudite et l'Égypte (sunnites) qui, pour des décennies, représentaient la décision dite arabe. Elle vient également redonner à la Syrie une nouvelle tribune pour monnayer sa politique régionale et regagner sa place sur l'échiquier du Proche et Moyen-Orient face à une Arabie Saoudite perçue comme plus arrogante que jamais avec sa puissance monétaire et sa manne pétrolière.

Aujourd'hui, pour de nombreux analystes, Damas semble vouloir de nouveau contrôler le Liban pour avoir entre ses mains une carte plus solide advenant son arrivée à la table de négociation avec Israël. D'ailleurs les signes en provenance de Washington indiquent de plus en plus que la variable damascène est remise à l'ordre du jour sur l'agenda des tractations secrètes américaines justifiant le proverbe disant qu'il «est dangereux d'être les amis des Etats-Unis, mais qu'il est mortel d'être leurs amis.»

*Département de Science politique, Université du Québec à Montréal

Thursday, May 1, 2008

Jimmy Carter ou le dindon de la farce syrienne




Jimmy Carter ou le dindon de la farce syrienne

Alain-Michel Ayache

Pour un coup médiatique, c’en est un! C’est en ces quelques mots, que la déclaration de l’ancien Président américain, Jimmy Carter, peut être résumée après sa visite à Damas. En réalité, à regarder de très près, un observateur initié au « machiavélisme » de la famille Assad peut déceler une stratégie damascène des plus brillantes pour retrouver une place de choix sur l’échiquier politique régional et s’asseoir de nouveau sur la table de négociation avec les grands.

En effet, selon Carter, le Hamas accepterait l’existence d’une entité israélienne voisine à un État Palestinien, si ce dernier est établi sur les territoires d’avant 1967. Or, Khaled Machaal, le leader de Hamas en Syrie avec qui Jimmy Carter s’est réuni, affirme plus tard que cela ne veut pas dire qu’il reconnaîtrait le droit d’Israël à l’existence. Ce qui vient remettre un grand point d’interrogation sur les déclarations de Carter qui a pourtant déclaré que le Hamas considèrerait les accords signés par le Président palestinien Mahmoud Abbas. Faut-il alors voir dans cette déclaration une stratégie pour situer les éléments de Hamas aux portes de Jérusalem pour un « assaut » final sur l’entité hébraïque? Ou y’a-t-il derrière ces déclarations une volonté syrienne de changer un certain statu quo en sa faveur?

À analyser de plus près, l’on peut discerner un stratagème « assadien » pour court-circuiter les tentatives de l’actuelle administration américaine de mettre au pas le Président syrien. En effet, la mise en place du tribunal international – dont le Liban exige son établissement pour condamner les assassins de l’ex-premier ministre libanais Rafic Hariri ainsi des autres politiciens et journalistes assassinés par les services secrets syriens et leurs sbires au Liban – semble s’approcher à grands pas. D’où cette manœuvre syrienne d’attirer l’attention sur l’utilité de la présence de ce régime syrien et surtout de sa survie, si Washington tenait à trouver une solution à la crise entre Palestiniens et Israéliens.

Pourquoi Carter?

Le fait que ce soit le récipiendaire du prix Nobel de la paix pour avoir réussi à trouver une issue à la crise entre l’Égypte et Israël qui, par la suite, a abouti en 1978 à la signature des accords de paix à Camp David en 1978, est en soit un crédit international incontestable du sérieux de la démarche. Or, selon de nombreux observateurs arabes, il ne s’agit que de la poudre aux yeux brillamment utilisée par Damas pour faire parvenir un message de l’utilité de sa survie. En effet, Assad tente de jouer sur le facteur temps pour regagner une place de choix dans un climat où tout porte à croire que Washington prend plus au sérieux l’Iran que la Syrie. D’ailleurs, la présence chiite au Liban et dans l’ensemble des autres pays arabes sunnites présente une tête de pont très avancée pour l’Iran que Washington ne peut pas prendre à la légère. Et comme l’a bien noté la presse arabe, la décision de Hamas est plus prise à Téhéran qu’à Damas. Quant à Assad, il est cantonné à son propre territoire avec quelques antennes de terroristes en Irak, et au Liban, ce qui fragilise énormément son standing dans la région et dans la rue arabe qui prise actuellement le Hezbollah pro-iranien pour « ses exploits » plutôt que la Syrie !

Ainsi, utiliser la crédibilité de Carter pour signifier à l’administration américaine qu’il y a de sérieuses chances pour une paix entre le Hamas et Israël servirait avant tout les intérêts du régime syrien. C’est également un message à l’électeur américain pour lui démontrer que seul les Démocrates réussissent à trouver une solution de paix alors que les Républicains sont toujours accès sur la guerre. Ce faisant, Assad tente de jouer « machiavéliquement » sur l’opinion publique américaine dans l’espoir de voir son schéma aboutir et sa survie prolongée.

Le mensonge de Hamas

Quant au Hamas, le fait d’accepter qu’un État Israélien ou qu’une entité israélienne puisse exister est en soi une négation de sa raison d’être, car la Charte du Hamas nie même le droit de l’existence d’une telle entité et dit clairement qu’elle est vouée à sa destruction. Et même si l’on considère que le Hamas veuille bien accepter la présence d’un tel État israélien à côté d’un État palestinien, si ce dernier est fondé sur le territoire d’avant 1967, cela serait alors interprété comme s’il renonçait aux terres qu’il avait toujours considérées comme étant palestiniennes, à savoir les terres de 1948! Ce faisant, le Hamas perdrait alors toute légitimité d’existence aux yeux de ses supporteurs. Quid également de la question des « réfugiés » palestiniens et leur « droit au retour » qui pour la plupart —du moins selon toutes les précédentes déclarations du Hamas —incluaient les territoires perdus en 1948 lors de la « Nakba »?

D’où le présent constat de dire que cette manœuvre syrienne par la bouche des représentants du Hamas n’est autre que pour gagner du temps et pousser la Syrie à reprendre un rôle dans le cadre des tentatives américaines actuelles pour trouver une sortie à la crise entre Palestiniens et Israéliens. Le choix de Carter n’est donc pas innocent, et Damas démontre encore une fois le sadisme de son dirigeant car il a réussi à faire dire à un prix Nobel de la paix que sans la participation du Hamas mais surtout de la Syrie aux négociations de paix, cette dernière est loin d’y aboutir.