Thursday, May 15, 2008

Liban : Requiem pour une souveraineté perdue





Liban : Requiem pour une souveraineté perdue


Alain-Michel Ayache

Il n’a pas fallu plus de quelques jours que le Hezbollah, la milice chiite Amal aidée par les miliciens pro-syrien du Parti social nationaliste syrien (PSNS)—qui ne reconnaît pas l’indépendance et la souveraineté du Liban et le considère comme partie intégrante de la Syrie—contrôlent les rues de Beyrouth ouest mettant ainsi un terme à la souveraineté libanaise, du moins sur cette partie de la capitale.

Le tout a commencé quand le gouvernement a voulu mettre un terme au réseau de télécommunications, installé par le Hezbollah depuis quelques années et qui a servi efficacement durant les événements de l’été 2006 face aux forces israéliennes. Ce réseau représente en fait pour le Hezbollah un nerf de guerre assez crucial et lui garantit une certaine sécurité de transmission de ses informations tant au niveau interne qu’externe. De plus, ce réseau couvre non seulement Beyrouth, mais toutes les régions où le Hezbollah se trouvait à travers le Liban, et compte presque un million de lignes téléphoniques.

À cela s’ajoute le limogeage d’un allié du Hezbollah, un brigadier général responsable de la sécurité de l’aéroport du Liban qui a permis au Hezbollah l’installation de caméras dans des lieux sensibles de l’aéroport et dont leur enlèvement souhaité par le gouvernement mettrait « en danger » les activités du « Parti de Dieu ».

Assez ! Le Hezbollah « réagit »!

En tentant de prendre le contrôle de ce réseau sur fonds d’accusations politiques dans le bras de fer persistant depuis plus de 17 mois entre le gouvernement libanais pro-occidental et l’opposition pro-syrienne, cette dernière a décidé d’aller de l’avant et mettre un terme à ce que le Secrétaire général du Hezbollah avait à maintes reprises qualifié de « patience ».

Aujourd’hui, après le début des hostilités entre chiites et sunnites, le Hezbollah et ses alliés semblent avoir pris le contrôle de la situation dans une sorte de « coup d’État » qui devient chaque heure on ne peut plus clair. D’ailleurs, les combats s’étendent chaque minute vers d’autres régions du pays notamment dans la Montagne du Chouf et dans le Sud, et ce, dans l’espoir de briser les forces du chef druze Walid Joumblatt et celles du leader de la majorité, Saad Hariri, fils de l’ex-premier ministre assassiné en 2005, Rafic Hariri.

Le premier étant physiquement menacé par le Hezbollah et surtout par Damas pour ses nombreuses accusations directes à l’encontre aussi bien du président syrien Bachar Assad que du Secrétaire général du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah. Dimanche soir, le Liban comptait plus d’une quarantaine de morts et plusieurs centaines de blessés avec toujours la route de l’aéroport de Beyrouth fermée par les éléments du Hezbollah et de leurs alliés. Pis, les médias proche du courant « Future » de Hariri ont été détruits par les miliciens du Hezbollah et de leurs alliés et les éléments du PSNS n’ont pas manqué d’accrocher les photos du Président syrien comme pour envoyer un message clair au gouvernement.

Une action prévisible…

Cette percée du Hezbollah, bien que militairement prévisible depuis quelques mois, vient rappeler aux Libanais que rien ne se passe au Liban encore sans l’aval de Damas. En effet, depuis le retrait humiliant des troupes d’occupation de Damas du Liban en 2005 suite à la « Révolution des Cèdres », le régime syrien a multiplié ses actions contre le Liban à travers ses alliés libanais. Les nombreux assassinats de députés, de journalistes et d’activistes libanais anti-syriens ne sont qu’une partie de la politique d’intimidation que le régime de Damas a imposée aux Libanais pour se venger de son humiliation de 2005.

De plus, s’est ajouté le blocus des institutions du « Pays des Cèdres » et surtout l’économie et le tourisme du pays depuis 2006 au profit de Damas. D’ailleurs, il suffit de voir les résultats économiques et touristiques de Damas à chaque été en constante croissance alors qu’en comparaison avec le Liban, la faillite est totale à cause notamment de la situation politique instable. Cette dernière demeure otage de la politique de blocage de tout dialogue entre les belligérants libanais en vue de trouver un Président de la République.

En effet, plus de 18 tentatives pour nommer (« élire » officiellement) un successeur au Président sortant allié de Damas, le général Émile Lahoud, se sont heurtées à une impasse politique paralysant de fait les institutions du pays et largement affectant son économie et son tourisme.

Le retour en force de la Syrie sur la scène libanaise

Cette prise de contrôle du Liban par le Hezbollah et ses alliés vient consolider la présence chiite régionale face à l’Arabie Saoudite et l’Égypte (sunnites) qui, pour des décennies, représentaient la décision dite arabe. Elle vient également redonner à la Syrie une nouvelle tribune pour monnayer sa politique régionale et regagner sa place sur l’échiquier du Proche et Moyen-Orient face à une Arabie Saoudite perçue comme plus arrogante que jamais avec sa puissance monétaire et sa manne pétrolière.

Aujourd’hui, pour de nombreux analystes, Damas semble vouloir de nouveau contrôler le Liban pour avoir entre ses mains une carte plus solide advenant son arrivée à la table de négociation avec Israël. D’ailleurs les signes en provenance de Washington indiquent de plus en plus que la variable damascène est remise à l’ordre du jour sur l’agenda des tractations secrètes américaines justifiant le proverbe disant qu’il « est dangereux d’être les amis des Etats-Unis, mais qu’il est mortel d’être leurs amis. »

Or, d’ores et déjà, Washington bien qu’il ait condamné l’action du Hezbollah n’a pas manqué de considérer que cette opération « militaire » du Hezbollah, ne pouvait pas être considérée comme un « coup d’État », tel que annoncé par le Premier ministre Fouad Saniora, mais plus comme un problème politique interne libanais. Ce qui pour le moins a fait perdre le Nord au gouvernement libanais! Et même si l’armée libanaise semble ne pas intervenir et prend possession des emplacements et des endroits que le Hezbollah lui remet en retirant ses troupes de Beyrouth, les autres régions éloignées de la capitale libanaise elles, se sont enflammées et l’arrêt des combats ne semble pas pour demain !

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