Le Devoir,
30 août 2013
Le régime Assad est-il stupide au point de se faire hara-kiri sur la scène internationale?
Vous rappelez-vous des « armes de destructions massives » de Saddam desquelles Washington avait
peur et qui avaient mené le gouvernement Bush vers la guerre de 2003 ? Ces menaces irakiennes qui
s’avérèrent plus tard infondées ? Nous voilà aujourd’hui devant une possibilité de remake de cette
affaire, mais cette fois-ci, il s’agit du parti frère - ou cousin - de l’Irak, le parti Baath syrien du
président Bachar al-Assad.
Aujourd’hui, Bachar, fils de feu Hafez al-Assad, meilleur allié arabe pour la stabilité des fronts est et
nord d’Israël, semble devenu une persona non grata qu’il faut éliminer de la carte moyen-orientale.
Toutefois, ce que les analystes du gouvernement actuel américain ont omis dans leurs calculs résidedans la réaction de ses proches collaborateurs, mais également le manque de candidats capables de
remplir le rôle de la solution de rechange, advenant la fin dudit régime.
Les mauvais calculs d’Obama
Ce que les analystes de la Maison-Blanche semblent ignorer, c’est qu’à la différence des sunnites
d’Irak, qui comptaient de nombreux aspirants généraux pour remplacer Saddam, la communauté
alaouite à laquelle le président Assad appartient est plus solidaire de son chef. Par ailleurs, les troupes
d’élite syriennes sont principalement alaouites et sont équipées des meilleurs armements russes
existants.
D’un autre côté, ces mêmes analystes américains tablaient sur l’union de l’opposition à l’étranger. Un
groupe capable de former un gouvernement en exil, lequel serait immédiatement reconnu par les
Occidentaux et, à leur tête, les États-Unis. Or, cet espoir s’est rapidement brisé compte tenu du
manque de cohésion des candidats potentiels, incapables de se trouver un terrain d’entente.
À cela s’ajoute la variable sunnite, surtout dans l’armée syrienne sur laquelle ces analystes comptaient
comme facteur de division. Or, bien que certains généraux syriens sunnites aient quitté les rangs de
l’armée, voire pour certains avec armes, munitions et soldats sous leurs ordres, il n’en demeure pas
moins que l’armée syrienne est encore composée aussi bien d’alaouites que de sunnites et prône
toujours un discours que ses chefs considèrent « national ».
Il y a aussi l’évaluation de la capacité de combat des « rebelles », qui disposent d’un armement de
base. Or, sur ce point, les États-Unis se heurtent à un choix très difficile et crucial. En effet, la montée
de l’Islamisme salafiste pur et dur en Syrie ainsi que l’apport en armes, munitions, mais surtout en
djihadistes des quatre coins du Moyen-Orient - de l’Afrique noire et de l’Asie musulmane - font en
sorte que le théâtre des opérations syriennes est devenu trop risqué ; difficile d’y apporter une aide en
armes sophistiquées, puisqu’elles pourraient tomber dans les mains des insurgés. La décision de la
France d’annuler la livraison de missiles sol-air est assez significative à ce propos et démontre le
cafouillage occidental dans la façon de traiter la crise syrienne.
Dire certaines vérités…
Le risque le plus grand ? Que les insurgés finissent par être entièrement contrôlés par les salafistes et
les djihadistes avec l’appui des Frères musulmans syriens, mais également des autres venus de Tunis,
d’Égypte avec l’argent aussi bien saoudien que qatari. Advenant un tel résultat, les minorités en Syrie,
dont les alaouites, seraient égorgées comme le sont actuellement les chrétiens en Syrie ; ce dont on ne
parle jamais dans nos médias. Il suffit d’aller naviguer sur la toile pour voir les images des horreurs,
des terreurs et des atrocités perpétrées par les rebelles djihadistes et salafistes contre les chrétiens de
Syrie.
Or, Washington et l’ensemble de l’Occident se retrouvent sous le marteau de ces salafistes et
djihadistes, ainsi que des Frères musulmans… mais au nom d’un slogan fait des principes de liberté,
des droits de l’homme et de démocratie ; et ce, au moment où les pays dits du « printemps arabe »
prennent le chemin de retour à l’obscurantisme médiéval…
Armes chimiques : résonnons dans l’absurde!
Le dernier chapitre du drame syrien, marqué par les armes chimiques, semble encore une fois
démontrer cet illogisme dans la gestion de la crise syrienne par les Américains, d’autant plus que de
nombreuses questions se posent sur la crédibilité d’une telle manoeuvre. S’il est vrai que des armes
chimiques ont été utilisées contre les civils syriens, et principalement des sunnites, la question qu’un
chercheur-analyste devrait poser est : le régime est-il stupide au point de se faire hara-kiri sur la scène
internationale à un moment où il cherche activement à rebâtir des ponts ? L’autre question légitime
serait alors de savoir à qui profite le crime.
Là, ce ne sont pas les acteurs régionaux qui manquent, en commençant par les Saoudiens qui ont à
leur tête l’émir Bandar bin Sultan, jadis un point de contact important du royaume avec l’ensemble des
services secrets du monde et actuellement avec Al-Qaïda… Il y a également le Qatar, qui a tout intérêt à
regagner sa place régionale, surtout qu’à la tête de ce petit émirat, le fils vient de remplacer le père.
Les jours à venir s’annoncent très sombres en Syrie et la dislocation du Proche et Moyen-Orient est à
l’ordre du jour. La question ultime serait alors de connaître le rôle que les Occidentaux comptent
réserver aux islamistes après que les dictatures arabes aient échoué dans le développement de
l’humain dans leur pays au profit de leurs poches d’abord et de leurs proches ensuite. La
condamnation timide de la destitution de Morsi en Égypte et la prise du contrôle de l’État par l’armée,
mais également les révoltes qui commencent à sourdre un peu partout dans les pays du « printemps
arabe » contre les islamistes au pouvoir sont-ils des indications de changement de cap dans la politique
occidentale et, notamment, américaine ? Si oui, pourquoi ? Regrettent-ils déjà les dictatures alliées de
l’époque ?
Alain-Michel Ayache - Chercheur, Faculté de théologie et d’études religieuses (FaTER), Université
de Sherbrooke | Actualités internationales
Photo : Agence France-Presse Abo Shuja
Des rebelles s’affairant à détruire une affiche de Bachar al-Assad (à droite) et de son père, feu Hafez al-Assad, meilleur allié arabe pour la stabilité des fronts est et nord d’Israël.
Wednesday, October 9, 2013
Sunday, August 25, 2013
Syrie, le compte à rebours ?
Pour peu on se croirait retournés en 2003 au
temps où l'administration américaine de George W. Bush cherchait par tous les
moyens à mettre un terme au Parti Baath de Saddam Hussein mais surtout à
éliminer un dictateur, qui, disait-on à l'époque, allait menacer la paix
régionale à cause de ses “armes de destruction massive”. Cela a pris plusieurs
milliers de morts côtés américains et plusieurs centaines de milliers côté
irakien et une instabilité continue de ce pays divisé entre ses composantes
communautaires musulmanes principales alors que les Chrétiens ont trouvé le
chemin de l'exil dans les pays d'immigration quand ce n'était pas celui des
massacres et de l'intimidation continue. La suite, on la connait avec la
découverte de la non-existence desdites armes de destruction massive! Mais ce
qui était fait… était fait : On se débarrassa du dictateur.
Syrie : Remake de l’Irak ?
Or, nous voilà aujourd'hui avec un remake de la
guerre d'Irak, mais cette fois-ci, il s'agit du parti frère ou cousin de
l'Irak, le Parti Baath syrien du président Bachar al-Assad.
Ce qui est étrange dans son cas, c'est qu'à la différence de Saddam Hussein, toutes les administrations américaines aussi bien républicaines que démocrates avaient toujours appuyé directement et indirectement la politique régionale de feu Hafez al-Assad, père de l'actuel président syrien, et cela, souvent au dam de la liberté et de la souveraineté du Liban. Le père avait même été qualifié par de nombreux chefs d'États occidentaux comme le « Bismarck » du Moyen-Orient. Or, aujourd'hui, son fils Bachar, semble devenu une persona non grata, qu'il faut éliminer de la carte moyen-orientale. Toutefois, ce que les analystes de l'administration actuelle américaine ont omis dans leurs calculs, réside dans la réaction de ses proches collaborateurs, mais également le déficit en matière de candidats capables de remplir le rôle de l'alternative advenant la fin dudit régime.
En effet, ce que les analystes de la Maison
Blanche semblent ignorer, c'est qu'à la différence de Saddam Hussein, Sunnite,
où l'on pouvait trouver un aspirant général pour le remplacer, la communauté
alaouite à laquelle le Président Assad appartient est plus solidaire de son
chef d'autant plus qu'elle représente une infime minorité en Syrie d'un peu
plus de 5% de la population syrienne alors que ce ratio est beaucoup plus élevé
en Irak avec les Sunnites.
Par ailleurs, les troupes d'élites syriennes
sont principalement alaouites et sont équipées des meilleurs armements
soviétiques existants.
D'un autre côté, ces mêmes analystes américains
tablaient sur une opposition à l'étranger pour s'unir et former un gouvernement
en exil qui serait immédiatement reconnu par les occidentaux et à leur tête les
États-Unis. Or, cet espoir est vite tombé dans l'incertitude vue le manque de
cohésion avec les candidats potentiels incapables de se trouver un terrain
unique.
La variable sunnite syrienne
À cela s'ajoute la variable sunnite surtout au
niveau de l'armée syrienne sur laquelle ces analystes tablaient pour voir la
division de l'armée s'effectuer de la même façon que cela a été tenté en 1975
avec l'armée libanaise, mais cette dernière avait surmonté cette division et
restée impartiale durant ladite guerre civile libanaise . Or, bien que certains
généraux syriens sunnites aient déserté les rangs de l'armée syrienne voire
pour certains avec armes, munitions et soldats sous leurs ordres, il n'en
demeure pas moins que l'armée syrienne est encore composée aussi bien
d'Alaouites que de Sunnites et prône toujours un discours que ses chefs
considèrent « national ».
Les mauvais calculs de l’Administration Obama
Là encore, une des faillites principales dans
l'analyses américaines fut celle de la capacité des « rebelles » de
mener le combat face à une armée déterminée et de loin plus équipée sans que
des armes équivalentes ne leurs soient fournies. Or, les États-Unis se heurtent
à un choix très difficile et crucial non seulement pour la Syrie mais pour
l'ensemble de la région voire pour l'ensemble du Moyen-Orient.
En effet, la montée de l'Islamisme salafiste pur
et dur en Syrie et l'apport en armes, munitions mais surtout en jihadistes des
quatre coins du Moyen-Orient, de l'Afrique noire et de l'Asie musulmane, fait
en sorte que les cartes syriennes sont devenues trop dangereuses pour risquer
d'apporter une aide en armes sophistiquées capables de tomber dans les mains
des insurgés dont la plupart est formée de jihadistes étrangers et mercenaires.
La décision de la France d'annuler la livraison de missiles sol-air est assez
indicative à ce propos et démontre le cafouillage occidental dans la façon de
traiter la crise syrienne.
Dire certaines vérités… risque le
« politically correct »
D'ailleurs, ce qui fait encore plus peur et
c'est ce que certains analystes américains pensent tout bas au lieu de
l'afficher tout haut, c'est que les insurgés finissent par être entièrement
contrôlés par les salafistes et les jihadistes avec l'appui des Frères
Musulmans syriens mais également des autres venus de Tunis, d'Égypte avec
l'argent aussi bien saoudien que qatari. Advenant un tel résultat, les
minorités en Syrie dont les Alaouites seraient égorgées comme sont les
Chrétiens actuellement en Syrie et qu'on n'en parle jamais dans nos médias. Il
suffit d'aller surfer sur la toile pour voir les images des horreurs, de
terreurs et d’atrocités perpétrés par les « rebelles » jihadistes et
salafistes contre les chrétiens de Syrie.
Bref, entre l'enclume du régime dictatorial des
Assad, qui, pendant plusieurs décennies, représentait la frontière et le front
les plus stables pour Israël, Washington et l'ensemble de l'Occident se
trouvent du coup sous le marteau des salafistes et des jihadistes ainsi que des
Frères Musulmans au nom de la liberté et des droits de l'Homme, au nom de la
démocratie recherchée tout court ! Des principes de droit chéries par
l’Occident, mais des droits, qui, nous connaissons, seront rapidement bannis
aussitôt les salafistes, jihadistes et Frères Musulmans au pouvoir. Les
exemples se multiplient au quotidien dans l'ensemble des pays dits du «
printemps arabe » qui devient chaque jour un « hiver arabe »
et un retour à l'obscurantisme médiéval avec les encouragements occidentaux et
notamment de l'actuelle administration américaines, aussi étrange que celui
puisse paraître.
Armes chimiques : Résonnons dans
l’absurde !
Le dernier chapitre des armes chimiques
syriennes semble encore une fois démontrer cet illogisme dans la gestion de
la crise syrienne par les Américains, d'autant plus que de nombreuses questions
se posent sur la crédibilité d'une telle manœuvre. S'il est vrai que des armes
chimiques ont été utilisées contre les civils syriens et principalement des
sunnites, la question qu'un chercheur-analyste poserait serait de savoir si le
régime est tellement stupide pour se faire hara-kiri sur la scène
internationale dans un temps où il cherche activement à démontrer le contraire.
L'autre question légitime serait alors de savoir à qui profite le crime, et
dans ce cas, cette attaque à l'arme chimique ?
Là, ce ne sont pas les acteurs régionaux qui
manquent en commençant par les Saoudiens et à leur tête l'émir Bandar bin
Sultan jadis un point de contact important du royaume avec l'ensemble des
services secrets du monde et actuellement avec Al-Qaïda... mais également le
Qatar qui a tout intérêt à regagner sa place sur la place régional après que le
recul affiché après le désistement du père au profit du fils il y a quelques
mois à la tête de ce petit émirat.
Quoi qu'il en soit, les jours à venir seront
très sombres en Syrie et la dislocation du Proche et Moyen-Orient est chose
d'actualité... La question finale qui se pose alors, c'est de connaître le rôle
que les Occidentaux réservent aux islamistes après que les dictatures arabes aient
échoué dans le développement de l'Humain dans leur pays au profit de leurs
poches en premier et des leurs en second. La condamnation timide de la
destitution de Morsi en Égypte et la prise du contrôle de l’État par l’armée
mais également les révoltes qui commencent à naître un peu partout dans les
pays du « printemps arabe » contre les islamistes au pouvoir,
sera-t-elle une indication de changement de cap dans la politique occidentale
et notamment américaine ? Si oui, de peur de quoi exactement ?
Regrettent-ils déjà les dictatures alliées de l’époque ?
Congrès Islamiste à Montréal
Quant au Canada, est-ce la permission aux plus
intégristes, les purs et durs de l'Islam salafistes de se réunir au Palais des
Congrès à Montréal, un message de la part de l'Occident et particulièrement de
Washington – puisque 'il est plus facile de venir au Canada que de partir aux
États-Unis – pour leur signifier un quelconque message ou pour les rencontrer
dans les coulisses pour essayer de s'entendre sur l'avenir de l'ensemble de la
région arabe ? Si tel est le cas, l'Occident aurait encore une fois vendu
les minorités chrétiennes en premier pour satisfaire ses intérêts... et à
« Allah », les droits de l'Homme et le peu de démocratie restante !
Alain-Michel Ayache
Chercheur
Faculté de théologie et d'études religieuses
(FaTER)
Université de Sherbrooke
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