Éditorial, vendredi, 8 août 2003, p. A13
Commentaire
Ayache, Alain-Michel
L'image de marque d'Ottawa, dans les autres pays du monde, semble s'effriter, notamment depuis que le premier ministre Jean Chrétien fait cavalier seul en matière de politique internationale, s'éloignant de celle de nos voisins du sud. Avec, pour conséquence, la perte de crédibilité d'un Canada qui se veut fort et respecté de régimes entiers, y compris de ceux qui s'opposent à une Amérique hégémonique. Le Canada est plus que jamais fragile à l'étranger, là où, il y a encore quelques années, la seule détention d'un passeport canadien suffisait pour sauver des vies. Aujourd'hui, détenir ce passeport n'a plus la même signfication.
Preuve en est, les multiples incidents à l'étranger dont les victimes ne sont que des Canadiens. Ainsi en est-il de Maher Arar, citoyen canadien d'origine syrienne. Arrêté par les autorités américaines à la suite des mesures draconiennes de Washington après les événements tragiques du 11 septembre 2001, Arar, persona non grata, fut déporté en Syrie, où il est emprisonné depuis. Certes, sa déportation par les États-Unis vers la Syrie fut condamnée par Ottawa, qui considérait qu'un citoyen canadien devrait être renvoyé au Canada s'il était arrêté avec son passeport canadien et non vers son pays de naissance.
Or, voilà que M. Arar est renvoyé en Syrie, où le régime dictatorial des Assad l'a enfermé dans des geôles desquelles il ne sortira sans doute que sur une civière... à moins d'une action internationale ferme et solide contre Damas. Ainsi, au lieu d'insister fermement sur sa libération et d'imposer des sanctions diplomatiques et économiques contre le régime dictatorial de Bachar Al-Assad, Ottawa tourne l'oeil en répliquant par l'intermédiaire de ses responsables au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international que M. Arar est d'origine syrienne et donc considéré comme Syrien dès qu'il entre en Syrie.
Mais que dire alors à tous ces Canadiens, nés à l'étranger, qui sont venus au Canada pour justement échapper à l'inhumanité de leurs régimes en place ? Que dire de cette politique d'autruche d'Ottawa quand on sait qu'un Montréalais sur quatre est né à l'étranger ?
L'exemple le plus frappant fut sans doute celui de la journaliste Zhara Khazemi. Il a fallu le savoir-faire de son fils, et ses interventions auprès des médias, pour forcer Ottawa à se faire entendre du régime des ayatollahs à Téhéran. Là encore, Ottawa avait avancé le fait que Mme Khazemi détenait la double nationalité pour justifier la difficulté de ses démarches. C'est l'insistance de son fils et la pression des médias qui ont poussé Ottawa à monter le ton d'un cran.
Voilà qu'aujourd'hui, un troisième Canadien, cette fois "de souche", est arrêté à l'aéroport international de Beyrouth et emprisonné durant plusieurs jours sans aucune accusation, ni condamnation. Pis, les autorités libanaises ont manqué à leurs responsabilités internationales selon les conventions de Genève, en n'informant pas l'ambassade canadienne au Liban qu'un de leurs citoyens était en détention. Ce n'est que 10 jours plus tard qu'un informateur en a avisé l'ambassade.
Bruce Balfour, sexagénaire, fut arrêté à l'AIB en rentrant au Liban. Il faisait partie d'une mission évangélique pour la reforestation de la forêt biblique des Cèdres, une région entièrement contrôlée par les services secrets syriens, bien qu'en territoire libanais. Il y a quelques jours seulement, le procureur de la République libanaise Adnan Addoum accusait M. Balfour d'espionnage pour le compte d'Israël ! Or, nul n'ignore que cette accusation est à la mode dans le lexique juridique de M. Addoum pour justifier toute arrestation d'opposants libanais (et ils sont nombreux à l'avoir payé de leurs vies alors que d'autres crèvent dans les geôles syriennes) ou même toutes autres personnes jugées dérangeantes !
Que l'accusation soit justifiée et fondée ou non (encore faudrait-il apporter les preuves, ce qui n'a toujours pas été fait, et M. Balfour n'a pas encore bénéficié de l'aide juridique, ni d'avocat, car il est persécuté par le tribunal militaire au Liban), il est important de noter que le laxisme d'Ottawa persiste quant à la défense de ses citoyens.
L'auteur est analyste et chercheur
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