Le Monde, mercredi, 30 mars 1994, p. A8
Ayache, Alain-Michel
Trois ans et demi après leur exil forcé en France, voilà que pour la première fois, un ministre du gouvernement militaire libanais du général Michel Aoun, est autorisé à quitter Nice, lieu de sa résidence actuelle.
Vice-premier ministre, le général Issam Abou-Jamra était de passage à Montréal pour quatre jours, porteur d'un projet important sur l'avenir du Liban. Il a été accueilli par la diaspora à laquelle il s'est adressé dimanche dernier, afin de lui présenter le projet de son gouvernement.
L'essentiel de son message porte sur deux points primordiaux pour la survie du Liban. Deux choix que les Musulmans du Liban devraient prendre en considération pour maintenir d'une façon ou d'une autre l'unité du pays. «Les Libanais n'ont désormais le choix qu'entre deux solutions: soit la laïcité politique, soit la confédération à la Suisse, où chaque communauté sera libre de déterminer ses propres règles de conduite, ses lois, etc., au sein d'une entité nouvelle» dont les frontières demeureront toujours celles du Liban actuel, a expliqué le général Abou-Jamra.
Cet appel aux musulmans est pour lui très important car ils «n'ont jamais vécu avec nous en harmonie mais à nos côtés» tout en ayant différents points de vue quant à qui est l'ennemi du Liban ou qui est son ami. «Nous avons jamais pu nous entendre sur un seul ennemi» précise-t-il.
Ainsi et selon toute vraisemblance, la confédération pourrait bien être la seule solution plausible au malaise libanais à l'instar de la solution yougoslave parrainée récemment par le président Clinton.
D'ailleurs, nul n'ignore que les musulmans rejettent de facto la laïcité. De même, nul n'ignore la calvaire par lequel passent aujourd'hui les Chrétiens du Liban, où l'armée d'occupation syrienne contrôle leur région et où l'insécurité est plus que jamais leur pain quotidien. En fait, il semble selon le général Abou-Jamra, que le dessein réservé à la région du Moyen-Orient est porteur d'une série de nouvelles confédérations ethnico-religieuses qui pourraient le cas échéant, ramener une certaine stabilité et dont le processus de négociations dans le cadre des pourparlers de paix, n'est autre que le commencement.
Les chrétiens du Liban, quant à eux, semblent payer pour l'instant les pots cassés, en attendant la visite du Pape au Liban, programmée pour le mois de mai prochain.
Une visite qui, selon les dires de personnalités libanaises mais également françaises, signera la garantie de la protection des chrétiens du Liban, déterminés plus que jamais à garder un certain pouvoir, une certaine dignité face à la montée de l'intégrisme musulman.Des chrétiens qui cherchent également à se dresser contre un schéma d'annexion de facto de leur pays par la Syrie. Une Syrie qui contrôle actuellement plus de 90% du territoire libanais et qui n'hésite pas à obliger le président libanais, M. Elias Hraoui à signer des traités au seul profit de Damas.